La Première Guerre mondiale vue de Russie

Ce dimanche s’achève à Prague une exposition s’intitulant « Première Guerre mondiale : prologue au XXe siècle ». Elle présente plus de 400 artefacts empruntés à plusieurs musées russes portant essentiellement sur la vie des soldats sur le front de l’Est. Au micro de Radio Prague, le commissaire d’exposition Marek Junek, spécialiste de l’histoire tchèque et slave.

L’année 2014, qui marque le centenaire depuis le début de la Première Guerre mondiale, correspond également au moment du lancement d’un projet culturel appelé « Grande Guerre » qui se poursuivra jusqu’en 2018. Le Musée national a contribué à ce projet par son exposition « Première Guerre mondiale : prologue au XXe siècle ». Si son nom ne révèle pas au premier abord l’accent porté sur la Russie, c’est notamment parce que ses organisateurs voulaient éviter dans le contexte politique actuel des références à la « Russie en guerre ». Marek Junek précise :

Marek Junek,  photo: Barbora Kmentová
« L’exposition résulte d’une coopération entre le Musée national tchèque et le Musée central pour l’histoire contemporaine russe. Lors de la conception de l’exposition, nous étions conscients qu’il allait y avoir une abondance d’événements présentant la Grande Guerre du point de vue tchèque. C’est pour cela que nous voulions montrer la situation en Russie en allant au-delà de l’aspect militaire en s’appuyant sur les bouleversements sociaux et les différents régimes politiques : du tsarisme, en passant par la république jusqu’à l’Etat bolchévique. »

L’exposition est organisée de manière classique, en panneaux et vitrines. Elle met en valeur des objets appartenant dans la plupart des cas aux soldats du front de l’Est. Cette caractéristique, qui peut paraître peu attractive aux visiteurs, est compensée, pour Marek Junek, par de nombreux objets originaux. Il attire l’attention sur deux artefacts en particulier ayant trait à la mort des membres de la Maison Romanov, une dynastie qui a régné en Russie entre 1613 à 1917. On y a trouve les clés de la chambre où ils étaient emprisonnés et un étui à pistolet appartenant au commandant du peloton d’exécution responsable de leur mort.

L’exposition fait aussi plusieurs fois référence aux activités des légionnaires tchécoslovaques en Russie. Marek Junek rappelle dans les grandes lignes la genèse de leur engagement militaire :

« Avant la guerre, il y avait de nombreuses associations et chambres de commerce tchèques en Russie. Il y avait aussi une minorité tchèque qui est devenue un ennemi du fait de son appartenance à l’Autriche-Hongrie. Néanmoins, dès le début de la guerre, des unités tchèques se sont formées au sein de l’armée russe. Après négociations en 1916 et 1917, les légions tchécoslovaques ont été créées. Elles ont joué un rôle important dans de nombreux combats, notamment pendant la guerre de Zborov. Après la paix de Brest-Litovsk, tous les soldats étrangers en Russie sont devenus indésirables. Ainsi jusqu’en 1989, les légionnaires tchécoslovaques ont été considérés comme des ennemis, mais ce regard a progressivement changé dans la Russie actuelle. »

Plusieurs figures emblématiques tchèques ont pris part aux combats sur le front de l’Est, parmi eux Ludvík Svoboda, le président tchécoslovaque entre 1968 et 1975.

Ludvík Svoboda,  photo: Stanislav Tereba,  CC BY-SA 3.0 Unported
« Ludvík Svoboda est un personnage ayant sa place dans l’histoire tchèque. Légionnaire célèbre lors de la Première Guerre mondiale, membre influent de l’armée tchécoslovaque dans l’entre-deux-guerres. Pendant l’occupation allemande nazie, il est revenu en Russie pour y organiser les unités militaires tchécoslovaques qui ont participé en 1944 et 1945 à la libération du pays. Accusé de ne pas être politiquement fiable, il a été exclu de l’armée dans les années 1950 et évincé de toutes ses fonctions publiques pour ensuite dépasser cette période de disgrâce et devenir le président tchécoslovaque en 1968. »

L’exposition qui se tient au Musée national jusqu’au 7 septembre satisfera certainement les amateurs d’uniformes, de cartes anciennes et de médailles militaires.