La première affaire Rom devant la Cour de Strasbourg

L'histoire est celle d'une famille Rom qui, dans un conflit l'opposant à l'Etat tchèque, à qui elle demande une indemnisation pour violation des droits de l'homme, vient d'obtenir un début de satisfaction devant la Cour de Strasbourg.

Cour de Strasbourg,  photo: www.echr.coe.int/
Tout a commencé en février 1993. A cette date, les Cervenak, une famille Rom de la ville d'Usti nad Labem en Bohême de l'est, déménage en Slovaquie, apparemment pour fuir les menaces d'une autre famille Rom. La mairie payera le voyage, faute pour les Cervenak, au nombre de six, d'avoir de quoi s'acheter les billets. Pour leur part, avant de partir, ils rendent les clés de l'appartement à la mairie qui en est la propriétaire. L'affaire semble close, il n'en est rien.

En Slovaquie, les Cervenak ne se trouvent pas bien non plus. Ils n'ont pas de logement, sont à court d'argent, et n'ont rien à manger. Alors, ils rebroussent chemin. Certaines rumeurs prétendent qu'ils ne sont pas retournés seuls de Slovaquie, mais accompagnés d'autres Roms.

A Usti nad Labem, ils ne peuvent plus réintégrer leur appartement, retapé et loué entre temps, voire seulement dévasté, peu importe. Le fait est qu'ils se retrouvent dans la rue et utilisent probablement un garage comme logement de fortune. Parallèlement, ils continuent à réclamer vainement un appartement, se prévalant en cela de ce qu'ils n'ont jamais résilié leur bail, et ajoutant un autre argument - vrai ou faux -, ils reprochent à la mairie de les avoir forcés à partir.

Le fait pour la mairie d'avoir payé les frais de voyage aux Cervenak, un peu comme si elle s'en débarrassait, de n'avoir pas résilié le bail à la remise des clés et de les avoir quand même laissés dans la rue à leur retour de Slovaquie, va être habilement utilisé par une avocate Rom des Cervenak, Klara Vesela-Samkova :

- Premièrement, elle fait un recours gracieux au président de la République qui demande à la mairie de reloger la famille, ce qui fut fait.

- Deuxièmement, l'urgence du logement étant réglée bien que la famille ne soit pas satisfaite de l'état des lieux, l'avocate, déjà en procès contre la mairie, brûle une à une les voix de recours et menace d'aller à la Cour de Strasbourg. Elle demande huit millions pour discrimination, lenteurs judiciaires et réparation des dommages causés à la famille, faute de relogement. C'est là où la mairie commettra sa quatrième erreur : elle transige à 900 000 couronnes avec l'avocate, soit 150 000 couronnes pour chaque membre de la famille ; elle transige mais semble avoir trouvé des difficultés à payer une si importante somme.

L'avocate saisit donc la justice strasbourgeoise qui ordonne que soient payées les 900 000 couronnes. Mais ce n'est qu'une demi-victoire pour Vesela-Samkova ; car, enhardie par ce succès, elle a toutes les raisons de continuer à réclamer, comme elle le fait, les huit millions de couronnes.

Auteur: Omar Mounir
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