La Cour européenne des droits de l’homme se penche sur l’accouchement à domicile en République tchèque

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Depuis plusieurs années déjà, et plus encore depuis le procès, il y a deux ans, d’une sage-femme poursuivie suite à la naissance d’un enfant handicapé, les accouchements à domicile font l’objet d’un vif débat en République tchèque. Si la loi ne les interdit pas formellement, elle n’autorise cependant pas non plus les femmes à accoucher chez elles avec l’aide d’un professionnel de la santé. C’est précisément pour dénoncer cette situation que deux mères tchèques ont porté plainte contre l’Etat tchèque auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. Et mardi dernier, celle-ci a tenu une audience, la première du genre à Strasbourg concernant l’accouchement à domicile en République tchèque.

Photo illustrative: Oriol Martinez / FreeImages
Citoyennes tchèques, Šárka Dubská et Alexandra Krejzová ont choisi, il y a quelques années de cela, et pour différentes raisons, d’accoucher à domicile. Elles ont donc mis au monde deux enfants sans autorisation de l’Etat, le droit tchèque stipulant que les sages-femmes ne peuvent prêter leur concours que dans des lieux dotés du matériel requis par la loi. Employée à la Cour européenne, Eva Hubalková, que nous avons interrogée, nous en dit un peu plus sur cette affaire :

« Mesdames Dubská et Krejzová considèrent que la République tchèque a violé leur droit au respect de la vie privée qui est garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le système tchèque ne donne pas aux femmes la possibilité d’accoucher chez elles. Les sages-femmes risquent d’être pénalisées et s’exposent à de lourdes amendes si elles assistent pour une naissance à domicile. »

Avant de se tourner vers la Cour européenne, une des mères à l’origine de la procédure en cours, Šárka Dubská, a d’abord déposé une requête auprès de la Cour constitutionnelle tchèque, qui avait alors rejeté son grief. Leurs avocats ayant plaidé leur cause devant les dix juges européens lors de l’audience de mardi, comme les représentants de l’Etat, les deux mères doivent désormais attendre et prendre leur mal en patience, comme l’explique Eva Hubalková :

« La Cour va maintenant délibérer avant de préparer le texte de l’arrêt ou de la décision, car ce mardi, il ne s’agissait que d’une audience sur la recevabilité et le fonds. La Cour va donc prendre une décision et éventuellement adopter un arrêt. Cette décision sera prononcée dans les mois à venir. »

La Cour européenne des droits de l’homme,  photo: Rh-67,  CC BY-SA 3.0 Unported
La problématique délicate de l’accouchement à domicile n’est pas propre à la République tchèque. En début d’année, quatre Lituaniennes ont elles aussi déposé une plainte devant la Cour européenne pour dénoncer la situation dans leur pays. En Lituanie comme en République tchèque, l’accouchement à domicile n’est pas interdit par la loi, mais ni les médecins, ni les sages-femmes n’ont le droit d’aider légalement une femme qui fait ce choix. Et en 2010, la Cour avait rendu un premier verdict significatif en la matière en constatant une violation de l’article 8 de la Convention européenne par la Hongrie. Mais ce n’est pas la seule issue possible concernant la République tchèque. Précisions d’Eva Hubalková :

« La Cour peut décider, selon l’article 41, d’une satisfaction équitable pour le cas d’espèce ou, selon l’article 46, ordonner une mesure générale et ordonner à l’Etat de régler la situation, voire peut-être de modifier la loi. On ne peut pas le dire d’avance, mais ce sont les possibilités dont dispose la Cour et auxquelles elle a recours dans les affaires qui lui sont soumises. »

Selon de récentes statistiques, le nombre d’accouchements à domicile augmente régulièrement en République tchèque. Toutefois, même s’il fait beaucoup parler, il n’en s’agit toujours pas moins d’un phénomène encore relativement limité puisqu’il n’a concerné que 150 femmes en 2009, soit 2 % environ de toutes celles qui ont accouché cette année-là.