La corruption a eu raison du gouvernement Nečas

Petr Nečas, photo: CTK

Le Premier ministre, Petr Nečas, a annoncé qu’il démissionnerait ce lundi, suite à de fortes pressions pour qu’il quitte ses fonctions depuis que sa directrice de cabinet a été inculpée pour corruption et abus de pouvoir. Samedi, la justice a ordonné le maintien en détention préventive de Jana Nagyová, la directrice de cabinet de Petr Nečas, ce qui a conduit ses partenaires gouvernementaux à s'interroger sur le maintien de la coalition de centre-droit au pouvoir. Le procureur de la ville d’Ostrava a décidé que Jana Nagyová, accusée d'avoir corrompu des responsables politiques et d'avoir ordonné des opérations de surveillance illégale à des agents du renseignement, resterait en prison. Petr Nečas abandonne également ses fonctions de président du parti civique démocrate (ODS), principale formation de la coalition.

Petr Nečas,  photo: CTK
« Mesdames et Messieurs, je porte évidemment une grande attention à l’évolution que prend la scène politique tchèque depuis mercredi, et je suis conscient des conséquences que cela a sur moi. J’ai donc aujourd’hui annoncé aux membres du conseil politique du parti civique démocrate et à nos partenaires de coalition que je démissionnerai demain de ma position de chef de gouvernement. A aucun moment, je n’ai pensé que j’allais me comporter comme un fardeau qui allait rendre cette solution compliquée. Je suis quelqu’un de très combatif, mais je suis tout à fait conscient du moment où il n’est plus possible de continuer. Ce moment est arrivé pour moi, et j’en assume l’entière responsabilité politique. »

C’est par ces mots, prononcés tard dimanche soir, que Petr Nečas a annoncé la fin prochaine de sa carrière politique, débutée en 1992 avec sa première élection aux fonctions de député et achevée donc par trois ans à la tête de l’ODS et du gouvernement. Après avoir renoncé pendant trois jours à quitter ses fonctions, Petr Nečas assure n’avoir désormais plus qu’un seul objectif en tête, celui de maintenir en vie l’actuelle coalition de centre-droit :

« Dorénavant, je souhaite faire ce qui sera le mieux pour l’ODS et pour notre pays, je souhaite aider à trouver un nouveau format de coalition qui pourra recueillir la confiance de 101 députés et qui constituera un nouveau gouvernement avec un nouveau Premier ministre qui sera choisi par l’ODS. Ce gouvernement poursuivrait les dossiers clés de la politique suivie par mon gouvernement jusqu’aux prochaines élections, en mai de l’année prochaine. »

Karel Schwarzenberg,  photo: CTK
S’il n’est pas écrit littéralement dans la constitution tchèque qu’avec la démission du Premier ministre, le gouvernement chute également, c’est ce qui advient en pratique. Or, selon Miroslav Kalousek, ministre des Finances, et Karel Schwarzenberg, président du parti TOP 09, l’action se concentre actuellement autour de la recherche du soutien de la majorité au sein de la Chambre des députés, ainsi qu’autour de l’accord sur le remplaçant de Petr Nečas. Karel Schwarzenberg :

« La proposition doit être faite par l’ODS, une proposition dont nous discuterons ensuite au sein du parti TOP 09. Il ne dépend pas de moi de faire des propositions, mais du plus fort parti de la coalition, donc de l’ODS. J’espère que le parti proposera une personne convenable, je crois que ce n’est pas si difficile ».

En réponse à la question de savoir si les députés croient effectivement au soutien de la majorité des 101 députés, le ministre des Finances Miroslav Kalousek répond :

Miroslav Kalousek répond,  photo: CTK
« Bien évidemment que nous y croyons, et nous sommes tenus de faire de notre maximum. Mais nous sommes également réalistes, car nous savons que cela peut ne pas aboutir. Dans ce cas-là, il ne restera plus qu’à trouver un accord sur des élections anticipées. D’autres possibilités ne sont pas envisageables. Nous avons essayé tant de modèles de gouvernements technocrates que nous savons pertinemment que ce n’est pas un modèle qui ferait du bien au pays. »

Si la coalition, composée de l’ODS et des partis TO P09 et LIDEM, va s’efforcer d’obtenir le soutien de la majorité à la Chambre des députés, certains parlementaires de l’opposition trouvent cette situation encore plus abracadabrante que la démission même de Petr Nečas.

Les opinions des opposants se font plus virulentes quant au règlement de la crise politique par d’éventuelles élections anticipées. Pour Lubomír Zaorálek, vice-président des sociaux-démocrates, principal parti de l’opposition, la démission du Premier ministre n’est pas surprenante dans la mesure où la situation était insoutenable, mais il se montre plus sévère à l’égard de la demande d’obtention de la majorité à la Chambre basse :

Lubomír Zaorálek,  photo: CTK
« Aujourd’hui, la situation est telle qu’il ne s’agit pas d’une crise émanant d’une seule personne. Je crois qu’il s’agit d’une crise de toute la coalition gouvernementale, dans la mesure où on attend encore quelles seront les autres informations qui remonteront à la surface. Faire semblant de remplacer le Premier ministre pour continuer la route, cela me paraît de mauvais goût. »

Paradoxalement, au début de l’exercice de ses fonctions de Premier ministre, en 2010, Petr Nečas avait affirmé : « si quelqu’un veut avoir une influence politique, il doit avoir une responsabilité politique ». Lubomír Zaorálek accentue le fait que l’affaire ayant éclaté jeudi a trait à plusieurs hautes sphères de l’administration de l’État, et que la responsabilité politique ne peut être portée par le seul Petr Nečas. Lubomír Zaorálek :

« De mon point de vue, la responsabilité politique n’est pas uniquement celle du Premier ministre. Les interventions de la police dans plusieurs institutions publiques tchèques ne se sont pas déroulées uniquement au siège du gouvernement, mais aussi au ministère de l’Agriculture, au sein de l’administration qui gère les forêts et d’autres entreprises publiques. L’étendue de cette situation est donc beaucoup plus large et il ne s’agit pas de l’affaire d’une seule personne. »

Pour le vice-président du parti social-démocrate, ce présupposé « manquement collectif » a nécessairement pour conséquence de nouvelles élections :

« Vu la situation actuelle, il serait beaucoup plus fair-play, intègre et défendable de dire qu’il n’y a pas de sens à ce que la Chambre des députés poursuive sa session, car la social-démocratie ne participera aucunement à la coalition gouvernementale, et mettons-nous d’accord sur un délai rapide pour des élections anticipées. »

L’autre inconnue, c’est la position que va prendre Miloš Zeman concernant la formation du nouveau gouvernement. Constitutionnellement, c’est en effet le président qui nomme le Premier ministre, lequel est ensuite chargé de former le gouvernement. Historiquement, il s’agissait d’une formalité, sa légitimité ne lui permettant pas de s’opposer au choix formulé par les partis majoritaires au Parlement. Mais depuis son élection au suffrage universel, Miloš Zeman multiplie les signes montrant une volonté de s’imposer de plus en plus dans le jeu politique. Et l’homme de gauche qu’il affirme être resté avait appelé samedi à la démission de tout le gouvernement. Lors de son intervention d’hier soir, Petr Nečas a mal dissimulé un sévère avertissement au président pour qu’il ne sorte pas de son rôle :

Petr Nečas,  photo: CTK
« Le nouveau chef de gouvernement sera nommé par le président, et je suis profondément persuadé que monsieur le président respectera le caractère parlementaire de notre République, et le fait que le gouvernement dépend de la Chambre des députés et de la majorité qu’il peut y rassembler. Je suis profondément persuadé que monsieur Zeman, en tant que démocrate convaincu, respectera ce principe. »

La rencontre entre le Premier ministre et le président de la République était programmée ce lundi à 18 heures, heure à laquelle la démission du gouvernement sera officiellement remise à Miloš Zeman. La teneur de leur discussion devrait apporter un éclairage nouveau sur les événements des prochains jours.