Koffi Kwahulé : « le théâtre pose la question de notre responsabilité face à la cité »

Koffi Kwahulé

Samedi 13 et dimanche 14 juin, le théâtre Disk, situé dans la rue Karlova et généralement hôte des spectacles des étudiants de la DAMU, a accueilli exceptionnellement la troupe « Ni chis ni mus » pour l’adaptation de la pièce « La dame du café d’en face » du dramaturge ivoirien Koffi Kwahulé, en présence de l’auteur pour la première.

Reconnu internationalement, avec plus de 20 pièces traduites dans de nombreuses langues, Koffi Kwahulé est aussi un habitué de la capitale tchèque. Invité de la première édition du festival Afrique en création en 2002, il était également membre du jury de la dernière quadriennale de Prague en 2007. Il nous présente sa pièce « la Dame du café d’en face ».

« La dame du café d’en face est une pièce qui appartient à ce que j’appelle la première génération de mes pièces où je cherchais une histoire, des personnages plus ou moins construits, parce que dans la pièce les personnages ont une étoffe souvent psychologique. Après ‘la dame du café d’en face’, j’ai changé ma façon d’écrire. C’est une pièce qui est importante parce qu’elle marque un basculement, un moment où je vais passer à autre chose. C’est la dernière pièce de la première génération. »

Et la deuxième génération ?

« Ce sont des pièces où je ne cherche plus vraiment d’histoires à écrire. J’essaie d’écrire des structures, des formes, parce que je pense que l’histoire s’impose d’elle-même. Parce que toutes les histoires, de mon point de vue, ont été racontées, et c’est la façon de raconter ces histoires, les formes que l’on trouve pour habiller ces histoires qui donnent l’illusion que les histoires sont nouvelles. »

Dans cette pièce, il y a une métaphore – c’est en tout cas la façon dont je l’ai interprétée – d’une société fermée et d’un étranger qui vient et qui va sauver la société. Retrouve-t-on cette dimension politique dans vos autres pièces ?

« Dans mes pièces, il n’y a pas de dimension politique au sens premier du terme. Mais c’est du théâtre politique parce qu’elle pose la question de notre responsabilité face à la cité, et aussi la question ‘à quoi sert le théâtre’ ? Quand j’écris chaque pièce, j’essaie de pousser le spectateur à se poser à nouveau cette question ‘à quoi sert le théâtre’ ou ‘à quoi devrait servir le théâtre’. Et à ce titre, le théâtre que je fais est politique, mais pas au sens où cela défend une idéologie ou même des positions où ça met en scène des hommes politiques. Dans ‘la dame du café d’en face’, il y a des allusions à une situation donnée mais comme la situation n’est pas nommée – il n’y a pas de pays nommé – cette pièce peut s’adapter à d’autres sociétés. C’est assez ouvert pour qu’on ne la limite pas à une circonstance historique ou économique particulière. En écoutant le travail qu’ont fait Hélène Charmay et les comédiens, j’avais l’impression que la pièce sonnait très actuelle. Et pourtant je l’ai écrite en 1994. C’est étrange, comme les choses ne bougent pas beaucoup. »

La pièce est elle aussi un peu étrange, mêlant à la fois la fable politique au drame familial sur fond de rancœurs à cause d’adultère et de liens de consanguinité. Hélène Charmay, le metteur en scène de la pièce, explique pourquoi elle a choisi ce texte.

« Je voulais monter une comédie, toujours pour participer au festival de Lucie Němečková, ‘Afrique en création’, que j’apprécie énormément. Je trouve qu’elle fait un travail formidable. Mais ça a été reporté au mois de juin pour des raisons de timing. Et deuxièmement, j’aime beaucoup ce qu’écrit Koffi Kwahulé et j’ai choisi cette pièce parce qu’elle est complètement différente de tout ce qui fait sa renommée actuellement aux Etats-Unis et en France. »

Koffi Kwahulé sera cet été au festival d’Avignon avant de revenir peut-être dans une future édition d’Afrique en création à Prague.