Karlovy Vary : « Encore du chemin à parcourir pour faire du festival une plateforme du cinéma de l’Est »

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Le 46e Festival du film de Karlovy Vary bat son plein. Traditionnellement apprécié des visiteurs pour son côté bon enfant, en raison d’un public de jeunes cinéphiles qui ne rechignent pas à camper pour voir toutes les nouveautés du 7e art, le festival continue d’un autre côté à être observé et décortiqué par les spécialistes du genre. Michal Procházka est critique de cinéma et tient un blog pendant toute la durée de l’événement pour le site Aktualne.cz. Il nous parle de Karlovy Vary :

Michal Procházka
« Les cinéphiles, les professionnels, les journalistes et les critiques de cinéma de la jeune génération ont beaucoup reproché à ce festival une programmation parfois éclectique. Jusqu’à présent, le festival a projeté pas mal de films déjà primés aux autres festivals, comme c’était le cas dans la section Les yeux ouverts, qui récupérait par exemple des films de Cannes. Cette année, je vois plutôt que le festival a tendance à montrer les nouveaux films, les nouveaux talents de notre région d’Europe centrale. C’est quelque chose qui est marquant quand on regarde le programme de la compétition de la section East of the West. »

Cette section East of the West est sans doute importante pour que ces films peu connus dans les pays occidentaux soient promus. Est-ce que justement il y a des échos après le festival ? Est-ce que l’on sait si certaines personnes ont vu ces films et font en sorte qu’ils soient vus en France, en Grande-Bretagne ou en Italie par exemple ?

« Il faut dire que le festival de Karlovy Vary est très apprécié pour avoir fait ce travail. Mais je crois que le festival a toutefois un peu raté cette chance. Ca fait déjà dix ans qu’existe la section. Et aujourd’hui, c’est un peu difficile de rattraper le temps perdu parce qu’il y a beaucoup de festivals autour de notre pays comme celui de Cottbus, de Sarajevo, qui font un peu ce même travail. Je crois que le festival de Karlovy Vary sert aussi par exemple au cinéma français ou allemand pour tester le public de l’Est. Ca veut dire qu’ils projettent leurs films ici et ils essayent de voir comment le public d’Europe de l’Est réagit à leurs films. Je pense qu’il y a quand même un chemin à parcourir pour que soit vraiment établie une plateforme de promotion des films de l’Europe de l’Est. »

Eva Zaoralová
Un dernier mot sur le cinéma français cette fois… Eva Zaoralová qui était directrice artistique du festival pendant des années s’est retirée et n’est plus que conseillère artistique. C’est Karel Och qui la remplace à ce poste. Est-ce que cela signifie que désormais il y aura moins de films français, francophones au Festival de Karlovy Vary, puisque c’est elle qui faisait une grande partie du travail de recherche notamment à Cannes d’où elle ramenait des films…

'Notre jour viendra'
« C’est difficile de répondre à cette question parce que je ne fais pas partie de l’équipe qui organise le festival. Mais c’est vrai qu’après plusieurs années, il y a très peu de films français dans le programme. Ca signifie quelque chose en effet, et peut-être y a-t-il un lien avec le départ d’Eva Zaoralová de son poste. Peut-être cela reflète-t-il une sorte d’orientation de la République tchèque plus vers le monde anglo-saxon, américain. Je le regrette beaucoup, je pense qu’il faut maintenir une sorte de richesse et d’équilibre du programme entre les différentes cultures. Dans le festival, la présence de plusieurs pays est également l’objet d’une certaine compétition : les programmes spéciaux sont soutenus par des organisations nationales de soutien du cinéma. C’est donc normal, même si on peut le regretter, qu’il y ait beaucoup de cinémas européens comme le cinéma bulgare ou portugais qui soient souvent très peu représentés dans les festivals internationaux. C’est peut-être assez marquant de voir qu’il arrive la même chose au cinéma français après les années fructueuses précédentes. Mais il faut dire que la compétition des cultures dans le cadre de l’Union européenne n’a jamais été très juste, car cela dépend de comment chaque pays peut ou veut soutenir ses films et sa production. »