Jean Fournet, le départ d’un grand serviteur de la musique française

Jean Fournet

La longue vie du doyen des chefs d’orchestre français Jean Fournet est arrivée à son terme le 3 novembre dernier à Weesp aux Pays-Bas, où il vivait. Ce grand chef disparu à l’âge de 95 ans n’était pas assez connu et apprécié en France parce qu’il a travaillé pendant une grande partie de sa vie à l’étranger. Parmi les orchestres qu’il a souvent dirigés il y avait la Philharmonie tchèque, formation à laquelle il a su insuffler l’esprit, la transparence et la grâce chatoyante de la musique française.

Jean Fournet
Jean Fournet est parti comme il a vécu : discrètement. La discrétion et la modération étaient d’ailleurs les traits typiques de son art. Il n’avait rien de ces chefs explosifs qui fouettent l’orchestre comme un cheval de course par une profusion de gestes. Il travaillait patiemment et minutieusement même les infimes détails de la partition jusqu’à saisir la pulsation essentielle, jusqu’à dévoiler l’âme de la musique. Il a eu la chance de collaborer avec la Philharmonie tchèque dans les années soixante, donc à une époque où cet orchestre était, sous la direction de Karel Ančerl, à l’apogée de son art. C’est Jean Fournet mais aussi Antonio Pedrotti et Serge Baudo qui ont initié la Philharmonie aux finesses impressionnistes d’un Debussy et à la douceur poignante d’un Fauré. Il aurait aimé peut-être diriger aussi une autre musique, mais c’était surtout le répertoire français qu’on attendait de lui. Il a en parlé lors de sa dernière tournée en République tchèque en 2003 :

«A chaque fois que je suis allé en pays étranger, je dois dire que ce sont les étrangers eux-mêmes qui insistaient pour que je donne de la musique française chez eux. Combien de fois ils m’ont dit : ‘Vous savez, on aime la musique française, on voudrait en donner plus, mais c’est tellement différent, tellement spécial. Alors on voudrait que vous donniez de la musique française pour qu’on voie comment on doit interpréter cette musique.’ C’est pour cela que je me suis laissé faire et dans pas mal de pays, j’ai accepté de faire de la musique française puisqu’ils me le demandaient vraiment beaucoup. Ce n’est pas du tout que je ne voulais pas donner de la musique du pays, je l’ai même proposé plusieurs fois, par exemple ici, mais on me disait : ‘C’est gentil à vous de vouloir faire ça, mais si cela ne vous ennuie pas, on aimerait que vous fassiez de la musique française parce que nous trouvons que dans notre pays on ne le fait pas exactement comme il faut.»

Jean Fournet dirige l’Orchestre philharmonique tchèque,  photo: CTK
Comme la collaboration de Jean Fournet avec l’Orchestre philharmonique tchèque se répétait assez souvent, le chef a fini par habituer l’orchestre au langage musical français. Les rapports privilégiés qui se sont établis entre lui et les instrumentistes tchèques allaient durer pratiquement jusqu’à la fin de sa carrière. C’est ce qu’il a constaté d’ailleurs lors des retrouvailles avec la Philharmonie en 2003:

«J’ai été ravi de retrouver l’orchestre et j’ai fait les répétitions avec beaucoup de plaisir. Etant donné qu’à l’époque je suis venu souvent ici, j’ai été bien habitué à l’orchestre. C’était pour moi vraiment un plaisir et ça l’est encore.»

Les archives de la maison Supraphon abritent toute une série d’enregistrements qui ont immortalisé la collaboration de Jean Fournet avec la Philharmonie tchèque. Parmi ces disques il y a entre autre une version inégalée du poème symphonique Psyché de César Franck mais aussi une série d’œuvres de Claude Debussy enregistrée en 1964 et 1965 et rééditée en 1999. Une leçon de Jean Fournet comment transformer un orchestre slave en instrument idéal pour interpréter la musique impressionniste.