Invité à Prague, Viktor Ianoukovitch n’est pas le bienvenu pour tous

Viktor Ianoukovitch, photo: ČTK

Accueillir ou ne pas accueillir Viktor Ianoukovitch à Prague ? C’est la question que se posent ces derniers jours beaucoup de Tchèques. Invité par son homologue Miloš Zeman, le président ukrainien devrait effectuer une visite en République tchèque début avril dans le cadre du sommet du Partenariat oriental. Mais Viktor Ianoukovitch n’est pas le seul chef d’Etat controversé attendu dans les mois à venir.

Viktor Ianoukovitch,  photo: ČTK
« Zeman invite les dictateurs de l’Orient au Château » : tel est le titre qui, au-dessus d’une photo du président ouzbek Islom Karimov, figurait en une de l’édition de ce mercredi du quotidien Lidové Noviny. A l’intérieur du journal, à côté d’un Miloš Zeman en costume traditionnel ouzbek, on voit aussi un portrait de Gurbanguly Berdimuhamedow, président, lui, du Turkménistan, un pays aux importantes réserves de gaz et de pétrole, où il se fait surnommer le « patron protecteur » et où il a instauré son propre culte de la personnalité.

Tout ce beau petit monde a donc été convié par Miloš Zeman à lui rendre visite cette année au Château de Prague. Sans trop se soucier de la situation politique dans ces anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale, l’idée du président tchèque est de développer sur des marchés encore trop peu exploités ce qu’il appelle « la diplomatie économique » ; autrement dit favoriser les investissements des entreprises tchèques dans une région au fort potentiel et qui lui tient à cœur.

Toutefois, compte tenu de l’actualité, la visite qui provoque le plus de remous en République tchèque est bien entendu celle programmée de Viktor Ianoukovitch. S’il devait bien se rendre à Prague, comme en ont convenu les deux parties, le président ukrainien répondrait alors à l’invitation formulée par Miloš Zeman lors de sa visite en Ukraine en octobre dernier, soit plusieurs semaines encore avant le début de la crise et les premières manifestations contre le régime en place dans le centre de Kiev. Des "circonstances atténuanates" dont n’a cure la ville de Prague. Mardi, celle-ci, par la voix de son maire Tomáš Hudeček, a annoncé que Viktor Ianoukovitch ne serait pas le bienvenu dans la capitale tchèque :

Tomáš Hudeček,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
« Le conseil de la ville a décidé de ne pas participer à l’organisation de la visite très critiquée du président Viktor Ianoukovitch. Personnellement, je trouve absurde que précisément le président Ianoukovitch atterrisse à l’Aéroport Václav Havel. Au vu de la situation actuelle en Ukraine, je ne vois vraiment aucune raison de participer à cette visite. »

Selon Tomáš Hudeček, la ville propose habituellement un programme pour les chefs d’Etat dans le cadre de leurs visites, généralement une réception à l’hôtel de ville situé sur la place de la Vieille Ville. Pour Viktor Ianoukovitch, la municipalité n’entend cependant rien préparer. Par ailleurs, par l’intermédiaire de l’ONG Člověk v tisni (L’Homme en détresse, plus grande ONG tchèque), 500 000 couronnes (18 500 euros) seront versées aux manifestants blessés lors des affrontements avec la police dans les villes ukrainiennes.

Parallèlement, une pétition réclamant au Château de Prague l’annulation de l’invitation lancée à Viktor Ianoukovitch a été signée par plusieurs centaines de personnes, parmi lesquelles de nombreuses personnalités. Autant de gestes et d’initiatives considérés avec une certaine réserve par le bureau de la présidence de la République. Comme l’explique Hynek Kmoníček, directeur du département en chargé des affaires étrangères, Miloš Zeman n’entend pas revenir sur sa décision :

Miloš Zeman,  photo: ČTK
« Nous pourrions changer d’avis s’il devait y avoir un nouveau président ukrainien ou si des élections présidentielles anticipées étaient convoquées. A l’heure actuelle, la situation est tellement confuse qu’aucun cas de figure ne peut être exclu. Néanmoins, un président discute avec un président, et c’est la ligne à laquelle nous comptons nous tenir. Notre invitation reste donc valable, à moins bien entendu d’une évolution dramatique en Ukraine. S’il devait y avoir d’importants affrontements violents lors d’une manifestation ou un recours à la force de Viktor Ianoukovitch, nous pourrions revoir notre position et c’est ce que nous avons clairement fait savoir à la partie ukrainienne. »

Quant au ministère des Affaires étrangères, celui-ci estime également que des relations officielles doivent être entretenues avec les autorités ukrainiennes, tout en affirmant vouloir également dialoguer avec les représentants de l’opposition.