Il y a 25 ans, la dernière exécution capitale sur le sol tchèque

Photo: spekulator, stock.xchng

Condamné à la peine de mort pour le meurtre de sa femme et de quatre enfants, Vladimír Lulek est exécuté à la prison pragoise de Pankrác le 2 février 1989. C’est la dernière exécution capitale en terres tchèques. Štefan Svitek est encore mis à mort le 8 juin dans une prison de Bratislava. Toujours la même année, le régime communiste tombe et la peine de mort est abolie en 1990 en Tchécoslovaquie.

Photo: spekulator,  stock.xchng
Une trappe qui s’ouvre sous ses pieds : c’est le dernier bruit qu’a dû entendre Vladimír Lulek à l’heure de son exécution par pendaison, il y a tout juste 25 ans. Il était l’avant-dernière des 1217 personnes condamnées et exécutées en Tchécoslovaquie entre la fondation de cet Etat en 1918 et l’abolition de la peine de mort en 1990, en excluant la période de l’occupation allemande.

C’est d’ailleurs après la seconde guerre mondiale que les bourreaux tchécoslovaques ont eu le plus de travail : 730 exécutions entre 1945 et 1948, tandis que des procès, souvent politiques, ont conduit à la mort 200 individus entre 1948 et 1953.

Les exécutions se poursuivent à un rythme moins soutenu jusqu’en 1990. Vladimír Lulek en est l’avant-dernière victime, la dernière sur le sol tchèque. Le 22 décembre 1986, il avait tué de plusieurs coups de couteau sa femme de neuf ans son aîné et quatre enfants âgés de 18 mois à dix ans. Aussi les cinq membres du tribunal chargé de juger son crime n’hésitent pas quand ils décident de le condamner à mort. Jan Šulec était l’un d’entre eux. Il raconte :

La prison de Pankrác,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
« Le tribunal régional a attiré l’attention sur la cruauté, la brutalité et la perversité de ces actes, ce qui a conduit à la conclusion qu’il fallait une décision particulièrement sévère. Il s’agissait d’un crime qui a profondément marqué une partie de l’opinion publique. Nous avions tous le sentiment que dans le cas présent la peine de mort était la seule et la meilleure des solutions dont disposait la société pour punir Vladimír Lulek. »

A entendre Jan Šulec, on croirait que la peine capitale fait à l’époque l’unanimité en Tchécoslovaquie. Ce n’est pas le cas. Le débat sur sa suppression avait déjà eu lieu au moment du Printemps de Prague et dix ans plus tard, en 1978, 350 personnalités, certaines signataires de la Charte 77, apposent leur nom à une pétition visant à abolir le châtiment suprême et intitulée « La peine de mort est l’une des tâches les plus sombres sur le visage de notre temps ».

Parmi les intellectuels engagés dans ce combat, on trouve le journaliste Karel Kyncl, l’écrivain et poète Jaroslav Seifert, plus tard nobélisé, ou encore Václav Havel. A propos de la peine de mort, l’ancien président avait ces mots :

Václav Havel,  photo: Tomáš Vodňanský,  ČRo
« Ce n’est pas une solution. La peine de mort ne nous débarrasse pas de la menace de la criminalité. Pour ma part, je suis fondamentalement un opposant depuis de longues années à cette peine. »

En plus du risque d’envoyer un innocent à l’échafaud, aucune étude ne prouve l’effet dissuasif d’une telle peine. En 1990, sur proposition de Václav Havel, le Parlement tchécoslovaque abolit donc la peine de mort, une abolition inscrite dans la Charte des droits et des libertés fondamentaux et donc dans la Constitution dès l’année suivante.

Une position qui ne semble pas non plus faire l’unanimité car en mai 2013, les trois cinquièmes des personnes interrogées dans le cadre d’un sondage du Centre pour l’étude de l’opinion publique se sont prononcées en faveur d’un rétablissement de la peine capitale.