Hommage à Bronislaw Geremek

Bronislaw Geremek, photo: www.redcross.int
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Une table ronde consacrée à Bronislaw Geremek, historien et homme politique polonais, mort en juillet dernier dans un accident de la route, a eu lieu cette semaine au siège du Centre français de recherche en sciences sociales (CEFRES), à Prague. Georges Mink du CNRS a rappelé à cette occasion certains point forts du parcours professionnel et humain de Geremek.

« Il est devenu plutôt un type d’intellectuel traditionnel lorsqu’il a joué son rôle européen, c'est-à-dire un intellectuel qui exprime plutôt des contenus universels adressés à des nations, à l’humanité. Mais pour que cela arrive, il a dû subir plusieurs conversions tout à fait sincères, puisque c’est un enfant juif sauvé du ghetto de Varsovie, converti au catholicisme d’abord, sincèrement d’ailleurs.

Au lieu de choisir une école laïque, il a été un des meilleurs élèves d’une école catholique, au début, avant même la soviétisation de la Pologne, pendant une brève période, puis, il a rompu avec le catholicisme, il a adhéré d’abord à la jeunesse communiste et ensuite au parti communiste et tout aussi sincèrement, parce que pour lui c’était une mission de justice sociale essentiellement et pas la création d’un régime autoritaire bien entendu. Dès lors qu’il s’est rendu compte que ce régime était autoritaire et même totalitaire, et au moment crucial du carrefour idéologique qui était celui de 1968, c’est-à-dire l’intervention des armées du Pacte de Varsovie à Prague d’un côté et la campagne antisémite en Pologne notamment contre les intellectuels de l’autre côté, il a rendu sa carte du parti et à partir de ce moment-là, il s’est mis aux services de la société civile, en devenant l’enseignant et l’animateur des universités dites volantes en Pologne, qui étaient des universités parallèles aux universités d’Etat et où on enseignait la vraie histoire mais aussi il est devenu dès l’instant où se sont créés les comités de grève dans les chantiers navals en Pologne en 1980 qui ont donné naissance de Solidarnoscz, le principal conseiller de Lech Walesa. Il est devenu le personnage central des événements polonais et ses plusieurs conversions ont sans doute contribué à en faire quelqu’un de consensuel qui préférait les compromis aux antagonismes et des sorties pacifiques de situations extrêmement adverses et conflictuelles, mais aussi un stratège qui n’abandonnait jamais, malgré ce goût du compromis des objectifs essentiels et pour lui l’objectif c’était de sortir la Pologne du régime de type soviétique et de l’amener vers la démocratie. On peut dire qu’il en était un des artisans principaux. Et on peut même dire qu’il avait à plusieurs reprises aidé la Pologne à prendre des tournants nécessaires. »