En Tchéquie, les coeurs artificiels sauvent des vies depuis 10 ans

Jan Pirk avec un patient avec le cœur artificiel, photo: CTK

Il y a dix ans, l’équipe du cardiologue Jan Pirk de l’Institut de médecine clinique et expérimentale (IKEM) réalisait la première greffe d’un cœur artificiel dans les pays de l’ex-bloc soviétique. Depuis, 275 opérations de ce type ont été réussies dans cet établissement praguois. Radio Prague revient sur cette avancée médicale qui a permis de sauver de nombreuses vies.

Jan Pirk avec un patient avec le cœur artificiel,  photo: CTK
Inscrit sur la liste d’attente des receveurs d’organe avec la mention « urgent », ce patient d’une cinquantaine d’années souffre de problèmes cardiaques récurrents depuis plus de douze ans. Malheureusement pour lui, aucun cœur compatible ne se manifeste tandis que son état de santé continue à se détériorer. En ce 3 avril 2003, il ne lui reste que quelques heures à vivre quand une équipe de médecins menée par le chirurgien Jan Pirk procède à une opération alors unique en son genre en Europe centrale et lui pose le cœur artificiel qui lui sauvera la vie. Jan Pirk se souvient :

« Evidemment, cela a constitué un grand événement et l’opération a duré deux fois plus longtemps qu’elle ne durerait aujourd’hui. Tout s’est bien passé. Le patient a vécu un mois avec ce cœur artificiel et il a ensuite reçu une greffe de cœur. »

Cet exploit dans les pays anciennement communistes avait déjà été réalisé auparavant de l’autre côté du rideau de fer. La première pose de cœur artificiel de tous les temps a en effet été réalisée en avril 1969 par le chirurgien américain Denton Cooley. Le patient a survécu 64 heures avant de recevoir un vrai cœur. Le sort a cependant voulu qu’il meure par la suite d’une inflammation du poumon.

Les premiers cœurs artificiels étaient peu commodes et pouvaient entraîner diverses complications. A l’origine, ils avaient la taille d’un réfrigérateur et n’offraient aucune mobilité au patient. Quand l’équipe du docteur Pirk réalise la première greffe de cœur artificiel, ces machines restent très imposantes. Depuis les choses ont changé. Médecin au centre cardiologique d’IKEM, Ivan Netuka retrace ces avancées technologiques depuis 2003 :

Centre cardiologique d’IKEM,  photo: Filip Jandourek,  Čro
« Une autre évolution a mené à la miniaturisation de la machine utilisée, même si aujourd’hui déjà, elle peut prêter à sourire au vu de sa taille. Il s’agissait toujours d’un cœur artificiel para-corporel mais dont la taille a été réduite et qui permettait au patient une plus grande liberté de mouvement. Dans certains cas, nous avons même pu proposer des soins à domicile. Un important changement a commencé en 2007 quand nous sommes passés à des machines implantées. »

Il faut alors s’imaginer un cœur artificiel implanté directement dans le cœur du patient et qui nécessite un câble pour le relier au monde extérieur et lui assurer la programmation et le fonctionnement du système. Aujourd’hui, la miniaturisation a amélioré les conditions de vie des patients qui peuvent désormais rester chez eux en attendant une greffe de cœur. En effet, ces transplantations de cœur artificiel restent temporaires et offrent surtout aux malades un délai supplémentaire pour recevoir un cœur compatible. Le docteur Jiří Malý explique :

« L’usage de cœur artificiel temporaire s’explique par le fait que le temps d’attente moyen pour recevoir une greffe était, et est toujours, relativement long et toute une série de patients qui étaient sur liste d’attente prioritaire pour recevoir une greffe mourraient avant d’avoir pu en recevoir. Les instruments que nous avons maintenant à disposition depuis dix ans ont permis de diminuer significativement le taux de mortalité de ces personnes en attente de greffe, puisqu’elles peuvent désormais attendre leur transplantation. »

Sur les 275 poses de cœur artificiel opérées avec succès depuis 2003, une trentaine de patients n’auraient pas pu recevoir de cœur biologique à temps et ont donc effectivement eu la vie sauve. L’implantation d’un cœur artificiel permanent est un défi pour la médecine et la République tchèque est à la pointe dans ce domaine. L’an passé, un pompier tchèque, Jakub Halík, a vécu plus de six mois avec deux pompes mécaniques à la place du cœur. Jan Pirk se déclarait alors persuadé que les progrès de la médecine permettront un jour aux patients de vivre plusieurs années avec un cœur artificiel.