En été 1989, les communistes tchécoslovaques se sentaient comme des « poteaux dans la clôture »

Milouš Jakeš

Vingt ans se sont écoulés depuis ce discours devenu légendaire prononcé le 17 juillet 1989 par le premier homme du PCT Milouš Jakeš, discours qui a auguré la chute du régime communiste quatre mois plus tard, jour pour jour.

Le discours de l’homme le plus fort en Tchécoslovaquie d’alors est plein d’humour involontaire : regret de soi-même, attaques comiques aux adversaires du régime, reproches de fautes aux camarades du parti… Prononcé devant un cercle restreint de fonctionnaires communistes à Červený Hrádek dans la région de Plzeň, ce discours ne devait jamais être présenté au public. Enregistré en secret, il a été diffusé peu après par Radio Europe Libre. En phrases manquant de logique, pleins de lapsus, Milouš Jakeš s’exprime sur un peu tous les aspects de la vie en Tchécoslovaquie communiste. Il offre aussi un regard sur l’année 1968 et sa figure de proue Alexander Dubček :

« Quels tanks ont liquidé Dubček ? Il était au pouvoir 8 mois après l’entrée des troupes, et parce qu’il s’est avéré qu’il n’était pas capable de calmer la société et trouver des issus à la crise, le parti l’a démis de ses fonctions… »

Milouš Jakeš s’en prend aussi aux artistes qui ont signé un mois auparavant, un juin 1989, le manifeste Quelques phrases de la plume de Václav Havel :

« Personne d’entre nous ne touche un salaire comme ces artistes là …par exemple madame Zagorová, ses revenus, depuis les trois dernières années, dépassent 600 000 couronnes annuellement, sans parler des autres qui touchent un million, deux millions… »

Alexandr Vondra et Václav Havel,  1989,  photo: CTK
Le langage de Milouš Jakeš a dévoilé que le régime était à bout de forces. Plus tard, il s’est défendu, en affirmant que le discours était tourné par les services secrets et par les ennemis au sein du parti qui l’ont déformé afin de discréditer sa personne et le PCT.

Par ce discours, Milouš Jakeš est devenue une vedette médiatique contre son grès. L’un des deux enregistrements réalisés en secret par des techniciens de la télévision tchécoslovaque a été remis à l’ancien dissident et actuel diplomate Alexandr Vondra qui a l’a envoyé à Radio Europe libre. Sa diffusion a eu une influence énorme sur le climat de la Tchécoslovaquie d’alors. Les gens ont pu entendre que les communistes se sentaient comme « des poteaux dans la clôture » et ont cessé d’avoir peur, se souvient 20 ans plus tard Alexandr Vondra. La fameuse phrase sur le poteau dans une clôture est devenue un slogan des protestations massives à l’occasion du 21 août 1989, puis le 17 novembre 1989 qui a mis fin au régime communiste en Tchécoslovaquie.