Dans la peau d'un figurant pour contrôler les taxis pragois

Photo: CTK

Nous l'avons vu dans notre édition précédente, la ville de Prague tente de réduire la fraude des taxis, notamment en utilisant une agence de sécurité. Mais les services de la Mairie possèdent également leurs techniques pour vérifier que les taxis sont en règle. Deux types de contrôles sont régulièrement effectués par la municipalité. Le premier, de routine, permet de voir si tous les papiers sont en règle, il est fait presque quotidiennement. Le deuxième, beaucoup plus original, est une exception en Europe. Entre 15 et 20 fois par mois, le service des taxis emploie un figurant pour jouer le rôle d'un touriste et contrôler les prix pratiqués. Reportage lors d'un de ces contrôles hors du commun.

Photo: CTK
Devant la Mairie, Martin Zak, le chef des contrôleurs, donne les dernières instructions. Il faut jouer le touriste, parler anglais et surtout paraître le plus naïf possible. Le figurant est toujours équipé d'une caméra miniature qui doit permettre de filmer les informations inscrites sur la voiture. Il faut donc saisir sur la bande la plaque d'immatriculation, les tarifs indiqués sur le côté ainsi que le visage du chauffeur. Un des contrôleurs donne 3000 Kc pour pouvoir payer la course. La mécanique est bien huilée. Direction la gare principale, un endroit connu pour abriter des chauffeurs de taxis peu précautioneux. L'objectif est de trouver un taxi et de se rendre à un hôtel loin du centre, pour ne pas éveiller les soupçons et justifier l'utilisation d'un taxi. Le figurant s'installe alors dans la voiture, demande le prix et à la fin de la course demande une facture. Cette fois, la fraude est flagrante. La voiture ne possède pas sur toit le panneau indiquant taxi. La course a couté 900 Kc, pour un trajet de 8 km, le prix normal aurait du être de 300 Kc. Aussitôt, le taxi est pris en chasse par une voiture de police qui travaille avec les contrôleurs. C'est alors le moment de la confrontation entre le figurant et le chauffeur, arbitré par un des contrôleurs.

« - Monsieur le chauffeur, vous reconnaissez avoir emmené cette personne ?

- Oui

- Monsieur le figurant combien avez vous payé ?

- En tout 900 Kc

- Mais vous Monsieur le chauffeur, vous maintenez que la course était gratuite.

- Bien sûr

- Alors je vais vous montrer quelque-chose, la facture, c'est la vôtre ? Non ? C'est tombé comme ça dans les mains de monsieur ?

- Ce n'est pas un taxi monsieur. Un taxi a un panneau lumineux.

- Alors vous roulez au noir ? Avez vous vos papiers ? »

C'est le genre de scènes auxquelles assistent régulièrement contrôleurs et figurants. Le chauffeur doit ensuite attendre durant toute la procédure et le figurant, lui, remplit un formulaire où il indique les détails de la course. Tout cela terminé, au grand regret des contrôleurs, le chauffeur peut repartir librement dans sa voiture, mais sans sa licence de taxi. L'affaire peut prendre ensuite plusieurs mois avant d'aboutir. Seuls des Tchèques peuvent être figurants, mais qui sont-ils et le font-ils seulement par philanthropie? Réponse avec Frantisek Balica, un des contrôleurs de taxi.

« Les figurants sont à 90 % des jeunes. La condition est de connaître une langue étrangère pour pouvoir feindre d'être un touriste. Ils ont donc autour de 20-25 ans pour la plupart mais nous avons aussi des retraités qui ont du temps et qui parlent aussi une langue étrangère. Nous avons une base de données. Mais bien sûr tous les mois, nous changeons les figurants pour que les chauffeurs de taxi ne les reconnaissent pas. Ils font ça parce qu'il y a un salaire important à la clé. Pour des jeunes du lycée par exemple, cette contrepartie financière est très importante. S'ils travaillent un mois complet, c'est 32 000 Kc. »

Ces contrôles coûtent donc cher à la municipalité, sans compter les courses de taxi qu'il faut également payer. Pour des résultats parfois minimes. Frantisek Balica.

« Malheureusement, nous avons des figurants, même s'ils sont instruits et savent bien jouer qui font des erreurs. Il est arrivé par exemple que nous ayons choisi un hôtel comme destination et le figurant est arrivé à un autre hôtel à l'autre bout de Prague. Bien sûr, nous ne travaillons plus avec ces figurants et nous gardons ceux qui travaillent bien. »

En tout, la session de contrôle avec figurant dure près de trois heures. Une procédure lourde qui implique la présence de deux contrôleurs plus deux policiers. Les contrôleurs de la municipalité travaillent en effet avec les forces de l'ordre pour des raisons de sécurité. Les effectifs du service de la municipalité ne permettent pas de multiplier ces opérations « testing ». Cela explique notamment le recours à une agence de sécurité pour faire ce même travail.

Auteur: Luc Camilleri
mot-clé:
lancer la lecture