Corruption : les députés adoptent la loi sur l’attribution des marchés publics

Photo illustrative: hin255 / freedigitalphotos

Les affaires entourant les appels d’offres publics font depuis belle lurette les choux gras de la presse judiciaire en République tchèque. C’est pour tarir cette source quasi inépuisable de corruption que le ministère du Développement local présente un projet de loi sur l’attribution des marchés publics, adopté en troisième lecture ce mercredi par les députés. Le texte, qui vise aussi à se conformer à la législation européenne, suscite cependant d’importantes réticences. Dans l’opposition, on pense même qu’il va en fait favoriser la corruption plutôt que la combattre…

Photo illustrative: hin255 / freedigitalphotos
Réunie pour une session parlementaire de quatre jours, la Chambre des députés s’est prononcée sur toute une série de textes législatifs, et a par exemple voté en faveur d’un important amendement à la loi sur l’école, sur la base duquel la dernière année de maternelle deviendra obligatoire pour les enfants à partir de 2017. Plus significative sans doute, même si dans un autre registre, a été l’adoption en troisième lecture de cette loi sur l’attribution des marchés publics.

Sous réserve que la législation soit validée par le Sénat et contresignée par le chef de l’Etat, les pouvoirs publics disposeront désormais de davantage de critères pour évaluer la qualité des dossiers des candidats à un appel d’offres. L’argent ne sera plus le seul facteur déterminant et cela devrait limiter la traditionnelle course effrénée des candidats pour baisser leurs coûts. Un dispositif doit aussi permettre d’écarter des appels d’offres des sociétés « peu fiables » tandis que les entreprises qui décrocheront un appel d’offres devront dévoiler l’identité de leur propriétaire dans le cas où celui-ci est anonyme. Pour le député social-démocrate Lukáš Pleticha, comme pour ses collègues de la majorité, cette loi, largement liée à la nécessité de transposer trois directives européennes avant le 18 avril prochain, va dans le bon sens :

Lukáš Pleticha,  photo: PSP ČR
« Cela sera vraiment je pense une avancée vers le mieux par rapport aux dispositions actuelles. Cette loi est une réponse à toute une série d’ennuis rencontrés par les communes et par divers pouvoirs publics. »

Ce n’est pas l’avis des parlementaires de l’opposition de droite, qui, comme un seul homme, ont voté contre ce projet, pourtant accueilli favorablement par le Bureau de la protection de la concurrence (ÚOHS). Les députés des partis ODS et TOP 09 estiment notamment que la loi va restreindre le contrôle public sur de larges sommes d’argent, en modifiant certaines règles liées aux possibles ajouts au contrat original. Le président des conservateurs de TOP 09, Miroslav Kalousek, n’est pas tendre :

« Si cette loi est adoptée dans sa forme actuelle, elle constitue pour le système des marchés publics un retour brutal aux années 1990, dans des sphères troubles et non-transparentes. Il est donc totalement exclu que le club parlementaire TOP 09 la soutienne, pas parce que l’amendement proposé par le député Martin Plíšek n’a pas été retenu, mais parce qu’il s’agit d’une loi « pro-corruption » et en aucun cas d’une loi « anti-corruption ». »

Le débat a été long et houleux autour de ce texte, avec plus de trois cents propositions d’amendements. Parmi ces modifications demandées, le député Martin Plíšek a soumis vendredi dernier à l’approbation de ses collègues une mesure visant à interdire la participation à des appels d'offres publics aux sociétés dont un membre du gouvernement détiendrait plus de 10% des parts. L’amendement, finalement écarté par les députés, visait directement le ministre des Finances Andrej Babiš, le leader du mouvement ANO étant le propriétaire du géant de l’agroalimentaire Agrofert, groupe comprenant différentes sociétés dans d’autres secteurs qui concourent régulièrement à des appels d’offres.

David Ondráčka,  photo: Šárka Ševčíková,  ČRo
Il s’agissait de toute façon d’un coup d’épée dans l’eau, estime David Ondráčka, pour qui ce type de dispositif est trop facile à contourner. Le directeur de la branche tchèque de Transparency International est par ailleurs peu optimiste sur la portée réelle du projet de loi :

« Au final, la loi va être adoptée, tout simplement parce que l’Union européenne nous y oblige. Elle entrera en application peut-être à partir de mai. On va sans doute assister le mois précédent à un grand remue-ménage où tous les marchés publics vont être attribués selon l’ancienne loi. Ensuite rien ou presque ne sera signé pendant six mois, le temps de se familiariser avec la nouvelle législation. Mais il faudra bien lancer de nouveaux appels d’offres et à partir de l’automne ou de l’hiver prochain, on verra bien comment cela fonctionnera. […] Je suis un peu résigné au fait qu’il s’agit d’une histoire sans fin qui s’est déjà produite à plusieurs reprises. »

La semaine prochaine, les députés se prononceront sur un projet d’amendement à la loi sur les conflits d’intérêts, texte qui contient pour le coup certaines avancées selon David Ondráčka lesquelles devraient permettre une possibilité de contrôle accrue de la société civile sur ses élus.