Christophe Donner : « J’ai la fâcheuse habitude de mettre les gens en cause. »

C’est la littérature européenne qui a été le sujet principal du 15e salon « Le monde du livre » qui a eu lieu du 14 au 17 mai à Prague, et a attiré quelque 34 000 visiteurs. Parmi les personnalités invitées, il y avait des écrivains et éditeurs des 27 pays de l’Union européenne, mais aussi des pays candidats et de ceux qui restent en dehors de l’Union. C’est à la Russie qu’a été réservée l’exposition centrale du Salon. La France a été représentée, entre autres, par l’écrivain et cinéaste Christophe Donner. Dans un entretien accordé à Radio Prague, l’écrivain a expliqué pourquoi il est considéré comme un homme intransigeant qui ne ménage pas ceux dont il parle:

«C’est plus fort que moi, effectivement. Il faut que je râle, mais ce n’est pas que je râle tellement. Je suis obsédé, tracassé par un sens de la vérité, un sens de la justice qui me fatigue et me met dans des situations périlleuses. J’arrive à en faire commerce. Heureusement, grâce au commerce j’arrive à rester social. C’est un problème pas tellement sur le plan des opinions politiques, parce que je crois qu’actuellement en France il n’y plus d’opinions politiques qui soient vraiment dangereuses si ce n’est les opinions vraiment odieuses du genre antisémite ou raciste. C’est des choses qui ne me concernent pas tellement donc je suis un peu à l’abri de ça. Sinon je ne vois pas trop les opinions qui sont dangereuses, non. C’est plutôt au niveau de l’intimité que c’est pénible. Je rencontre des gens, je vois les gens dans leurs situations sociales et familiales et comme je suis écrivain, je raconte, j’écris ce que je vois, comment je les vois et c’est ça qui fait les problèmes. Je ne suis pas le seul écrivain dans ce cas là, mais j’ai la fâcheuse habitude de mettre les gens en cause comme ça et, curieusement, ça déclanche des choses pénibles. Voilà.»

Vous partagez votre création entre les oeuvres pour enfants et les oeuvres pour adultes. Pourquoi écrivez-vous tellement pour les enfants ? Que voulez-vous leur dire?

Photo: CTK
«Au départ c’était une éditrice, Geneviève Brissac, qui m’avait commandé des livres pour enfants au vu de ce que j’écrivais pour les adultes. Parce que c’est vrai que j’ai commencé à écrire sur mon enfance. Elle avait trouvé qu’il y avait quelque chose d’intéressant (j’ai commencé assez jeune) dans la manière dont je parlais des enfants. Et donc elle m’a fait écrire des livres pour enfants, des contes, qui me sont très agréables à écrire bien que j’en écrive moins maintenant. Ils me sont agréables pour balancer justement ce côté cruel, intransigeant, vindicatif, ce côté autobiographique, à l’os, si on peut dire, c’est à dire une véracité cruelle. Et avec le récit pour enfants je faisais plus attention à mon lecteur. Quand j’écris pour les enfants, je prend des précautions que je ne prends pas quand j’écris pour les adultes que j’estime assez solides (j’ai tord d’ailleurs) pour recevoir les écrits que je leur envoie à la figure. Mes contes pour les enfants sont beaucoup plus moraux, très moraux, je me rattrape un peu de tout le mal que je fais aux adultes.»

(La version intégrale de cet entretien sera présentée dans les prochaines rubriques Rencontre littéraire.)