Cardinal André Vingt-Trois : réduire la consommation pour retrouver l’équilibre de l’économie et de la vie

André Vingt-Trois, photo: Antoinette Laurenson, Creative Commons 3.0

Le cardinal André Vingt-Trois était à Prague ce lundi 21 novembre. Une date qui n’était pas le fruit du hasard, puisque l’archevêque de Paris a notamment assisté à une conférence organisée par l’archevêque de Prague Dominik Duka autour de la cathédrale Saint-Guy : la première pierre de l’édifice qui se trouve dans l’enceinte du Château de Prague a en effet été posée un 21 novembre, en 1344. A l’occasion de cette visite dans la capitale tchèque et en s’appuyant sur l’exemple de Notre-Dame de Paris, André Vingt-Trois a prononcé une allocution sur la place des cathédrales dans la vie politique, sociale, religieuse et liturgique, et sur les cathédrales comme lieux d’aboutissement des drames nationaux et internationaux. En marge de cette conférence, Radio Prague s’est entretenu avec le cardinal André Vingt-Trois sur des sujets d’actualité qui lui tiennent à cœur : à savoir la crise de la famille dans les pays développés, les problèmes liés à la migration, à la tolérance ou l’intolérance religieuse ainsi qu’à la crise financière actuelle. Quel est donc le message que l’Eglise catholique s’efforce de faire passer au public dans cette situation de crise de la dette qui touche l’ensemble de l’Europe ? André Vingt-Trois :

André Vingt-Trois,  photo: Antoinette Laurenson,  Creative Commons 3.0
« Il faut comprendre que nous ne sommes pas dans un système exclusivement rationnel. Donc il ne suffit pas d’expliquer pour que les gens comprennent. On peut expliquer que 2+2=4, mais si vous avez intérêt à ce que 2+2=5, vous n’acceptez plus que 2+2=4. On peut expliquer qu’il y a des mesures à prendre, des modes de vie à transformer, des façons de consommer à revoir, mais cela ne peut être entendu que par des gens qui ont conscience qu’il y a d’abord un déséquilibre réel. Pour qu’ils en prennent conscience, il faut qu’il y ait une crise comme précisément nous la vivons en ce moment. Il faut aussi que les gens comprennent qu’ils ont besoin d’autres choses que la consommation. Cela est beaucoup plus difficile, car tout le système de communication de notre société repose sur le développement de la consommation : tous les moyens de communication sont majoritairement financés par la publicité qui repose sur la capacité de développer le besoin de consommer. Toute la communication culturelle, globale, repose sur cette idée que plus on consomme, plus on produit, ce qui n’est pas vrai, et que plus on consomme, plus on arrive vers une solution. Or, la crise que nous traversons, démontre précisément que la consommation n’est pas la garantie de l’équilibre, mais qu’au contraire, pour rétablir l’équilibre, il faut réduire la consommation. Il faut alors entrer dans un discours inverse, ce qui est très difficile. »

Comment alors les chrétiens devraient se comporter dans cette situation ?

« Les chrétiens doivent d’abord puiser dans l’évangile et dans leur expérience de la foi la conviction que l’accomplissement, l’épanouissement, la réussite de l’existence humaine ne reposent pas exclusivement sur la possession des biens. Je vais prendre un exemple. Nous avons, dans nos pays développés, un certain nombre de personnes qui sont entraînées par leur vie, par leur travail et leur manière de vivre à délaisser les liens étroits qui doivent exister dans une famille. Si un père de famille ou une mère de famille n’est jamais là pour s’occuper de ses enfants, si un homme et une femme n’ont jamais le temps de parler ensemble, ils vont vers l’éclatement de leur famille. Ils vont vers la catastrophe ! Il faut qu’ils prennent conscience que pour leur réussite personnelle, pour leur épanouissement, pour l’accomplissement de leur vie, il faut respecter un certain nombre de priorités. Parmi elles, il y a les relations normales, ordinaires de la vie quotidienne, les engagements à l’égard du conjoint, des enfants. C'est plus important que de gagner 10% de plus. »

Vous écouterez la suite de cet entretien dans une de nos prochaines émissions.