Bernard Lesaing : « Rendre hommage aux métiers de la culture et de la création »

Le centre tchèque de Prague présente jusqu'au 30 janvier prochain une exposition du photographe Bernard Lesaing, intitulée « Visages et paysages tchèques ». Les clichés, qui sont une galerie de portraits d’artistes et de créateurs tchèques, ont également été repris dans un ouvrage collectif trilingue – tchèque, français et anglais – publié en octobre dernier. Bernard Lesaing est venu à Prague présenter ce recueil et inaugurer son exposition. Il raconte l’histoire de cette coopération franco-tchèque.

Bernard Lesaing,  photo: www.imagesetrecherche.com
«Mon histoire avec la République tchèque a commencé très jeune – j’avais 12 ou 13 ans – et j’étais en vacances en Savoie. Le 21 août 1968, c’était l’invasion à Prague par les troupes des armées du Pacte de Varsovie. En France et en Europe, on venait de vivre le mois de mai et ça a été un choc pour moi de voir que ce qu’on vivait en Europe de l’Ouest n’était pas vécu, et même le contraire, en Europe de l’Est. Ça a été ma première image avec la République tchèque. Ensuite, en 1988 j’étais en reportage à Munich. De Munich j’ai regardé une carte et je me suis dit que je n’étais qu’à 300 km de Prague. J’ai donc fait un petit séjour à Prague et à Plzeň et j’ai fait quelques images qui sont présentées à la galerie du centre tchèque dans le cadre de l’exposition.»

Bernard Lesaing est l’auteur de nombreux reportages. Basé à Aix-en-Provence, il s’est souvent concentré sur les sociétés locales, comme sur le monde touareg, l’île d’Ischi en Italie ou l’île de la Réunion.

Le fil conducteur de ce travail diffère quelque peu de ses reportages précédents, puisque le photographe s’est intéressé cette fois-ci uniquement aux artistes et aux créateurs, dont il a dressé une galerie de 26 portraits. Les paysages et autres scènes de la vie quotidienne qui les accompagnent sont des clichés réalisés pendant les trajets effectués avant et après les rencontres avec ces personnalités tchèques. Bernard Lesaing explique le sens de sa démarche:

«Pourquoi des artistes et de créateurs ? Je souhaitais déjà depuis longtemps rendre hommage aux métiers de la création et de la culture. Je pense que la culture est menacée en ce moment. Elle est mal comprise. Dans ces temps de crise très difficile que nous vivons, nous avons absolument besoin que les créateurs soient là, nous accompagnent. Ce sont eux qui nous posent des questions, qui nous font rêver, qui nous font réfléchir ou qui nous font penser. Je sens une ambiance générale où on ne voit plus, on ne rencontre plus tous ces créateurs. C’était donc avant tout un hommage à la création parce que je pense qu’elle est menacée.»

Est-ce que vous avez eu des coups de cœur en découvrant le travail de ces artistes ?

«Ce n’était pas 26 portraits, c’était un prétexte. C’était pour moi 26 rencontres, de pouvoir un moment avoir la chance de passer quelques heures. Il s’est instauré un vrai dialogue, un vrai échange, des fois sur une journée ou des fois sur un week-end. Ces 26 artistes m’ont tous autant les uns que les autres remplis d’intérêts et de découvertes.»

Vous avez parlé de rencontres. J’imagine que ces rencontres étaient toutes différentes, mais comment se sont elles déroulé, comment les préparez-vous ?

«En fonction des personnes que j’allais rencontrer, j’avais une documentation pour savoir si c’était un écrivain, ce qu’il avait écrit. Je pense à M. Stránský qui est une figure tellement forte de la résistance, de ce qu’il a vécu, et comme écrivain, et comme journaliste. J’ai un immense respect pour M. Stránský. C’est un homme qui a tellement souffert mais en même temps vécu, et créé, et produit, que le contact s’est fait tout de suite. Donc c’était des discussions, des rencontres. Petit à petit, d’amener l’artiste, le journaliste, l’écrivain ou le créateur à un moment un petit peu magique où j’avais une lumière, un décor. Dans tous ces portraits, tout a du sens. Ce n’est pas que l’expression de l’artiste mais aussi dans quelque cadre je souhaitais présente et montrer l’artiste. Je voulais que le décor de ces 26 portraits donne aussi du sens et que tout d’un coup ces paysages deviennent visages et que ces paysages rencontrent des paysages.»