Apprentissage ou enseignement général : que privilégier ?

Photo: Site officiel du Sommet étudiant de Prague

La 8e édition du Sommet étudiant de Prague, organisé depuis 2006 par l’Association pour les questions internationales (AMO), a débuté samedi avec un premier atelier consacré aux perspectives de l’éducation secondaire en République tchèque. Devant un public composé essentiellement de lycéens, plusieurs spécialistes de la question ont critiqué la politique du ministère de l’Éducation, qui privilégie les écoles d’apprentissage au détriment de l’enseignement général. Pour Radio Prague, Jana Straková, de l’Institut pour la recherche et le développement de l’éducation de l’Université Charles, et Bohumil Kartous d’EDUin, une organisation qui examine l’évolution du système éducatif, ont donné leur point de vue sur la question.

Photo: Site officiel du Sommet étudiant de Prague
Selon les documents stratégiques du ministère de l’Éducation, la part des diplômés issus des lycées professionnels devrait s’élever à au moins 32%. En revanche, il faudrait limiter l’expansion des « gymnázium », établissements du système éducatif tchèque qui regroupent collège et lycée et proposent un enseignement général. Jana Straková remet en question cette orientation du ministère :

« Il apparaît curieux que la République tchèque veuille limiter l’accès à l’éducation générale quand la tendance ailleurs dans le monde est inverse. Il est tout aussi curieux que le pays veuille augmenter la part des élèves en apprentissage sachant que, parmi les Etats de l’OCDE, nous possédons déjà le plus grand pourcentage de diplômés issus de ces écoles (environ 35%). En République tchèque, on trouve près de 250 spécialisations dans l’enseignement secondaire, ce qui aboutit ainsi à la production de diplômés ne disposant que d’une formation très étroite au détriment d’un savoir général qui leur manque par la suite. »

Jana Straková,  photo: ČT24
Jana Straková estime que la direction prise par le ministère de l’Éducation ne privilégie pas les intérêts des diplômés des écoles professionnelles, une spécialisation trop étroite pouvant constituer un désavantage. La part des diplômés au chômage confirme que ceux-ci souffrent d’un déficit de connaissances générales pour satisfaire aux exigences du marché du travail.

« Dans une grande majorité, les diplômés des écoles professionnelles poursuivent leurs études à l’université et acquièrent ainsi une seconde fois un même savoir très spécialisé. Deux tiers de ceux qui vont directement travailler passent les cinq premières années de leur carrière dans des secteurs d’activité autres que celui dans lequel ils sont spécialisés. Il leur faut surtout des compétences pour apprendre de nouvelles choses et être capables de se requalifier. Le système éducatif devrait moins pousser les élèves dans les écoles d’apprentissage et plus se focaliser sur la préparation de l’ensemble des élèves à la vie professionnelle afin qu’ils soient capables de s’adapter aux besoins changeants du monde et de la société. »

Si ce n’est pas aux élèves, à qui profite alors cette préférence pour les écoles d’apprentissage ? Pour Bohumil Kartous, d’EDUin, elle satisfait la logique à court terme des employeurs :

Bohumil Kartous,  photo: TV Barrandov
« C’est le résultat de la pression du lobby industriel qui est avide parce qu’il veut surtout pouvoir choisir dans un lot le plus varié possible de chercheurs d’emploi. Il ne se contente pas du nombre déjà trop élevé de diplômés des écoles professionnelles. Ainsi, il va à l’encontre de l’objectif de la Stratégie 2020, adoptée par le ministère de l’Éducation, qui vise à transformer les lycées professionnels en des établissements fournissant un enseignement plus général. Il ne faut pas oublier que la fonction la plus importante de l’éducation publique n’est pas de répondre aux demandes des employeurs, d’autant moins que ces derniers n’ont qu’une vision sur le court terme. L’avenir du secteur industriel est incertain. Les entreprises délocalisent pour trouver une main-d’œuvre bon marché. Si nous poussons les élèves à trop se spécialiser, lorsque les usines de production fermeront, ils seront dans l’impossibilité de trouver un autre emploi à cause de leur formation insuffisante. »

Jana Straková et Bohumil Kartous s’accordent pour dire que la part de l’enseignement général dans le parcours scolaire devrait s’accroître et le nombre de spécialisations baisser. Enfin, tous deux sont favorables à une réduction des grandes disparités qui existent dans la qualité de l’enseignement proposé par les écoles d’apprentissage et les « gymnázium ». Néanmoins, la place qu’occupent ces derniers, établissements plutôt élitistes dans le système éducatif tchèque, pose d’autres questions tout aussi complexes, et notamment celle de l’égalité de l’accès à l’éducation et d’une même école pour tous.