Août 1968 : les souvenirs sont toujours vivants

Photo: Jiří Němec

Il y a 44 ans, dans la nuit du 20 au 21 août 1968, les troupes du Pacte de Varsovie (à l’exception de la Roumanie et de l'Albanie) envahissaient la Tchécoslovaquie, mettant fin à la tentative de libéralisation du communisme baptisée « Printemps de Prague ». Celle-ci a été menée par le Premier secrétaire du Parti communiste d’alors, le Slovaque Alexander Dubček, qui essaya en vain de mettre en place « le socialisme à visage humain ».

Bohuslav Svoboda  (à gauche),  photo: Jiří Němec
L’invasion des armées soit disant « alliées » dans l’ancienne Tchécoslovaquie a coûté la vie à une centaine de personnes. Chaque année, le 21 août, une cérémonie de commémoration est organisée devant le bâtiment de la radio publique tchèque en hommage aux victimes des accrochages entre soldats et civils. On écoute le maire de Prague, Bohuslav Svoboda :

« Dans l’esprit des Tchèques et des Slovaques, c’est la mort de l’étudiant Jan Palach qui est le symbole de la violente occupation de la Tchécoslovaquie. Jan Palach a décidé de se donner la mort en signe de protestation. Nous pensons beaucoup moins souvent, à ceux qui ne sont pas mort volontairement, qui ont été tués par les occupants. »

Photo: Jiří Němec
Le maire de Prague a cité les noms de trois jeunes Pragois, âgés de 18 à 19 ans, tués par balle ou dans l’explosion d’un char soviétique, à proximité de la Radio tchécoslovaque, un des premiers bâtiments encerclé par les armées soviétiques. Si, jusqu’à la fin de 1968, précisément 108 personnes sont décédées suite à l’invasion, les violences survenues le 21 août même, à Prague-Vinohrady, ont fait quinze victimes. Pour les habitants de ce beau quartier, situé à deux pas de la place Venceslas, c’est un véritable cauchemar qui a commencé le 21 août 1968. Bobina Javůrková est aujourd’hui une vieille dame. A l’époque, elle habitait, avec ses parents, au coin des rues Balbínova et Mánsova, à quelques centaines de mètres de la radio. Ses souvenirs sont encore vifs :

« Ces immeubles-là, juste en face de la radio, étaient en feu. Les Russes tiraient dessus avec leurs mitrailleuses. Pendant trois jours, nous ne pouvions pas sortir, nous étions cachés dans la salle de bain, parce que même si les maisons étaient brûlées, les soldats pénétraient dans les cours, tiraient sur les façades et visaient les fenêtres illuminées. Il n’y avait pas d’eau, pas de gaz, car tous les tuyaux avaient été endommagés par les chars. C’était terrible. »

Une autre Pragoise, Eva Marková, nous raconte, elle aussi, son témoignage :

« Le 21 août, je n’étais pas à Prague. J’étais en vacances à la campagne, dans un petit village. Lorsque nous avons appris cette nouvelle, tout le village a pleuré, tout le monde, communistes ou non communistes, voyait cette invasion comme une trahison. Nous avons tous pris d’assaut les magasins, où nous avons acheté des approvisionnements car nous ne savions pas si une guerre n’allait pas éclater. Moi, je ne croyais pas que Dubček et son équipe mèneraient à bien leurs réformes. Nous n’étions pas naïfs. A l’étranger, on parlait depuis un certain temps déjà d’une invasion qui se préparait. Nous savions quelque part qu’une telle chose pouvait arriver. »

En effet, c’est arrivé… Les Accords de Moscou, signés le 26 août par le gouvernement tchécoslovaque embarqué de force en URSS, donnaient le coup d'envoi au processus dit de « normalisation » qui devait durer jusqu'à la révolution de velours, en novembre 1989.

Quarante-quatre ans après l’invasion des troupes du Pacte de Varsovie et plus de vingt ans après le départ des derniers soldats soviétiques, la société tchèque panse encore ses plaies. Par exemple, comme le rappelle à cette occasion le quotidien Lidové noviny, la liquidation des dommages écologiques causés par l’armée soviétique, processus qui est loin d’être terminé, a déjà coûté à l’Etat tchèque presque 2 milliards de couronnes.