Alfons Mucha, scénariste et scénographe d'une gigantesque fête sur la Vltava

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On croyait bien connaître le peintre Alfons Mucha, un des artisans de l'Art nouveau. L'exposition d'un ensemble de ses dessins, qu'on peut voir actuellement à la Maison à l'Anneau d'or à Prague, démontre qu'il reste toujours quelque chose à découvrir dans son oeuvre.

En 1926, a lieu à Prague le Rassemblement des Sokols, la grandiose fête gymnique qui réunit dans la capitale des milliers de gymnastes des deux sexes. Ils présentent leurs exercices devant un public attentif et enthousiaste. Pour rehausser l'éclat de cette manifestation, on décide de donner au centre de Prague, sur la Vltava, une fête nautique, un spectacle monumental qui retracerait l'histoire des Tchèques en tant que membres de la grande famille des peuples slaves.

Alfons Mucha
L'idée de la coexistence et de la coopération des peuples slaves était très chère à Alfons Mucha. Ce projet lui donnait une excellente occasion de marier la tradition des tableaux vivants, très populaires à l'époque, avec les grands thèmes de l'Epopée slave, un cycle de toiles gigantesques auquel il a consacré une grande partie de sa vie. Le peintre écrit donc avec Karel Hlava le scénario de la fête sur la Vltava et dessine aussi, avec le sculpteur Ladislav Saloun, les splendides décors du spectacle. La première est fixée au 3 juillet 1926. Devant la foule qui se presse sur les bords de la rivière, une construction élégante représente une espèce de temple des peuples slaves et sur les bateaux richement ornés qui voguent sur la Vltava, évoluent d'innombrables personnages représentant des moments cruciaux de l'histoire tchèque. Le public voit entre autres une cérémonie païenne, les noces du roi Premysl Otakar II., les guerres hussites, l'arrivée du roi Georges de Podebrady et, finalement, une espèce d'apothéose du panslavisme, un appel à la création d'une fédération des peuples slaves.

La réalisation de ce projet monumental n'a pas été sans faille et en plus, les exécutants ont été obligés de lutter contre la rivière en crue, en ce moment-là. L'eau détruisait les décors et emportait les bateaux allégoriques. On n'a réalisé finalement qu'un seul spectacle des quatre représentations prévues, car le danger pour les exécutants était trop grand, et la suite des productions a été interdite par la police.

Malgré cet échec relatif, il nous reste un ensemble de dessins d'Alfons Mucha qui constituent non seulement une collection d'un grand intérêt artistique, mais aussi un témoignage haut en couleur sur la vie et les divertissements de la société pragoise du début du XXe siècle. Sur les dessins de Mucha, la fête ratée a conservé toute sa splendeur.