Aleš Chmelař : « Avec Zeman, les relations avec l’UE vont s’améliorer »

Miloš Zeman, photo: CTK

Vainqueur de la première élection présidentielle au suffrage universel direct, Miloš Zeman prendra ses fonctions le 8 mars prochain. Apportera-t-il un véritable changement dans la politique tchèque envers l’Union européenne ? Sa position euro-fédérale implique un changement du ton vis-à-vis de l’UE. En revanche, sur certains aspects des politiques européennes, il rejoint les opinions de son prédécesseur.

Miloš Zeman,  photo: CTK
Pendant la campagne électorale, Miloš Zeman a affiché son euro-fédéralisme. En même temps, le désormais futur chef de l’Etat s’est rarement attardé sur ses opinions sur l’Union européenne et a consciencieusement évité d’approfondir les sujets qui auraient pu fâcher son électorat. Analyste et chercheur au Centre d’études des politiques européennes à Bruxelles, Aleš Chmelař répond aux questions liées dans ce domaine précis au nouveau président de la République tchèque, élu vendredi et samedi derniers avec près de 55% des voix.

Miloš Zeman n’est pas une nouvelle figure sur la scène politique tchèque. Au contraire, il a pendant longtemps été le chef du parti social-démocrate et, en tant que tel, Premier ministre de 1998 à 2002. Que nous apprennent ses actions politiques passées sur la pensée européenne de Miloš Zeman ? Aleš Chmelař :

« Tout d’abord, il faut rappeler que c’est sous le Premier ministre Václav Klaus que la République tchèque s’est portée candidate à l’UE. Mais le gouvernement de Miloš Zeman a effectué beaucoup de pas importants entre 1998 et 2002. Il y a eu tout d’abord l’implémentation de l’acquis communautaire qui était assez large. Le gouvernement de Miloš Zeman était aussi un des gouvernements les plus réformateurs de l’époque : il a assaini les banques mal privatisées, il a préparé véritablement la République tchèque à l’entrée dans l’UE, même si c’est sous le gouvernement de son successeur, Vladimír Špidla, et sous la présidence danoise en 2003, qu’a été entérinée l’adhésion tchèque à l’UE. »

Aleš Chmelař,  photo: CEPS
« Même si Milos Zeman a fait un grand pas vers l’UE et s’est présenté comme un candidat euro-fédéraliste pendant la campagne présidentielle, en réalité ses opinions peuvent être un peu plus mitigées. Il est un grand critique de la bureaucratie européenne, c’est surtout à cause de sa campagne qui visait aussi un corps conservateur de gauche. C’est un phénomène assez courant dans l’Europe de l’Est avec des partis de gauche qui sont conservateurs sur beaucoup de sujets sociaux, et entre autres aussi sur l’UE. »

Présenté comme pro-européen, Miloš Zeman a été soutenu pendant sa campagne par le président sortant Václav Klaus, eurosceptique notoire. Élu président de la République, nos auditeurs sont certainement curieux de savoir sur quels aspects la vision de l’UE de Miloš Zeman diffère de celle de Václav Klaus, et quelles sont ses priorités en la matière ?

« Il faut mentionner le fait qu’il y a vraiment une différence paradigmatique entre Miloš Zeman et Václav Klaus, dans le sens où Miloš Zeman se présente vraiment comme un euro-fédéraliste et qu’il a vraiment une vision plus fédérale de l’UE. En revanche, on peut admettre qu’il partage certaines opinions de Václav Klaus comme celle sur l’environnement, probablement sur les droits des femmes et sur beaucoup de sujets progressistes auxquels tient l’UE. »

Photo illustrative: Barbora Němcová,  Radio Prague Int.
« Mais de manière plus générale, dans son approche de l’élargissement, de l’ouverture à la politisation de l’UE et d’une plus grande fédéralisation des politiques économiques, je pense qu’il y aura une véritable rupture. »

« Sur d’autres points, Miloš Zeman est un cas assez spécifique. Il a une approche assez arrogante des autres responsables politiques. Il se peut que l’UE soit un peu déçue par rapport à ce qu’on attend après la présidence de Klaus, mais, encore une fois, et de façon générale, je pense que la vision sera beaucoup plus positive et que les relations vont s’améliorer. »

Avec l’élection de Miloš Zeman, on pourrait s’attendre à un changement de rhétorique sur le projet d’intégration européenne. En même temps, c’est le gouvernement qui décide des questions européennes et c’est le Premier ministre Petr Nečas qui représente le pays à Bruxelles. Dans ce sens, un changement de l’orientation générale de la politique tchèque reste peu probable.