Affaire de la privatisation de MUS : la justice suisse décide de ne rien accorder à l’Etat tchèque

Le Tribunal pénal fédéral (TPF) de Bellinzone, photo: CTK

Plus de dix ans après, l’affaire de la privatisation de la société minière de Most (Mostecká uhelná společnost, MUS), une des plus grandes sociétés minières tchèques, continue de faire couler beaucoup d’encre, et dernièrement vendredi. En effet, le Tribunal pénal fédéral (TPF) de Bellinzone, en Suisse, a décidé qu’aucun dommage ne serait versé à l’Etat tchèque malgré l’escroquerie établie par la justice dont elle a été victime. Le verdict n’est pas passé inaperçu en République tchèque, et pour cause : les quelques 660 millions de francs suisses saisis par les enquêteurs devraient revenir à la Confédération.

Le Tribunal pénal fédéral  (TPF) de Bellinzone,  photo: CTK
Le président du TPF a estimé que dans le cas de la République tchèque, qui avait d’abord renoncé à enquêter sur ce dossier il y a plusieurs années de cela, le montant du préjudice était trop compliqué à établir. Avant cela, 660 millions de francs dispersés sur une centaine de comptes bancaires avaient été séquestrés. Cet argent provenait du détournement des actifs de MUS. En octobre dernier, la justice helvétique avait déjà rendu un premier verdict significatif en condamnant cinq hommes d'affaires tchèques à des peines privatives de liberté oscillant entre 36 et 52 mois de prison. Ce vendredi, le TPF a également accordé à l’Etat suisse une créance compensatrice contre les condamnés d’un montant total de plus de 700 millions de francs sur les sommes bloqués après l’ouverture de la procédure en 2005. Même s’ils disposent encore d’un droit de recours, tous sont reconnus coupables de blanchiment aggravé et d'escroquerie ou de complicité d'escroquerie. Ces cinq hommes d'affaires, dont certains étaient des ex-administrateurs de la société ou des membres du comité de surveillance, étaient parvenus à contrôler près de 97% de MUS au moment de sa privatisation entre 1997 et 2003.

Mais plus que la condamnation des principaux protagonistes de l’affaire, et compte tenu des montants astronomiques en jeu, c’est la décision de ne rien reconnaître à l’Etat tchèque qui a suscité l’attention vendredi, et le mécontentement de Karolina Zelenková, une des avocates des anciens managers de MUS :

Karolina Zelenková,  photo: CT24
« Pour le tribunal, ce n’était nullement une question de justice. Il s’agissait plutôt tout simplement de confisquer plusieurs milliards de couronnes au profit de l’Etat suisse. »

Au micro de la Télévision tchèque, la procureure fédérale Graziella De Falco Haldemann a néanmoins affirmé que tout n’était pas encore perdu pour la République tchèque :

« Concernant la République tchèque, nous avons été surpris d’apprendre qu’il n’y a pas eu de restitution directe à la République tchèque. Par contre, il faut le relever, la République tchèque a été considérée comme lésée dans le cadre de cette procédure et elle aura la possibilité de réclamer son préjudice par d’autres voies, notamment par celle de l’entraide. Il faut rappeler que la République tchèque a déjà présenté une demande allant dans ce sens à la Suisse. »

La décision du TPF de confisquer une grande partie des valeurs saisies n’a toutefois pas surpris outre mesure les autorités tchèques, ne serait-ce qu’officiellement. C’est du moins ce qu’affirmait Roman Pečenka, représentant du ministère des Finances :

« Nous considérons que le plus important est que le tribunal ait constaté univoquement que la République tchèque a été victime d’un préjudice relativement important. Parallèlement, il a nous a laissé différentes possibilités pour obtenir réparation lors des prochaines procédures. »

Cette procédure future devrait donc être une procédure civile. L’affaire devrait donc être jugée une nouvelle fois, et le ministère tchèque des Finances, à l’image de son ancien chef controversé Miroslav Kalousek, se montre relativement confiant sur son issue. Sans oublier qu’une procédure est aussi toujours en cours en République tchèque.