A l’exception de Václav Klaus, la République tchèque critique les fraudes électorales et les répressions en Russie

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Le président russe Dmitri Medvedev a terminé, jeudi, sa visite de deux jours dans la capitale tchèque. Le point d’orgue de celle-ci n’a pas été l’ouverture de la grande exposition des œuvres d’art du Kremlin au Château de Prague, mais la signature d’une quinzaine de contrats tchéco-russes d’une valeur de 2,15 milliards d’euros (54 milliards de couronnes tchèques). Accueilli en grandes pompes dans la résidence du président Václav Klaus, qui s’est félicité des relations étroites entre les deux pays, Dmitri Medvedev a été très discret dans ses commentaires sur le déroulement des élections législatives dans son pays, alors que plusieurs dizaines de manifestants tchèques et russes ont dénoncé, devant le Château de Prague, la manipulation du scrutin.

Dmitri Medvedev à Prague,  photo: CTK
« Sourires en Tchéquie, arrestations en Russie », a titré la presse tchèque en commentant la visite du « petit-frère » de Vladimir Poutine à Prague. Pointé du doigt pour la manipulation des récentes élections législatives et pour les répressions contre les opposants pacifiques à Moscou, Saint-Pétersbourg et ailleurs, Dmitri Medvedev, accompagné de son épouse Svetlana, a vécu à Prague son heure de gloire.

En marge de sa visite, quatorze gros contrats ont été signés : des centrales gaz à cycle combiné seront construites en coopération russo-tchèque à Sotchi, théâtre des prochains JO d’hiver, l’usine de Prague-Malešice sera chargée de réparer des hélicoptères russes militaires et civiles, mais surtout, la société OHL ŽS construira un tronçon de 390 kilomètres d’une ligne ferroviaire dans la région de l’Oural, une des commandes tchèques les plus importantes à l’étranger ces dernières années, selon le ministère tchèque de l’Industrie et du Commerce. De plus, la candidature de la société russe Atomstroïexport pour la construction de deux nouveaux réacteurs à la centrale nucléaire tchèque de Temelín, a été évaluée, par le président Václav Klaus, comme « la plus avantageuse » et « offrant probablement le plus d’espace aux sous-traitants tchèques ».

Dmitri Medvedev et Václav Klaus,  photo: CTK
Le chef de l’Etat tchèque, qui n’a jamais caché ses sympathies pour la Russie de Poutine, s’est félicité du renouveau des relations tchéco-russes, enfin débarrassées, selon lui, du « lourd fardeau du passé ». Encore faut-il savoir de quelle Russie parle-t-on. A l’heure où l’ex-président tchèque Václav Havel appelle l’opposition russe à former des institutions qui protégeraient les citoyens d’un « harcèlement judiciaire et policier » et alors que l’ancien dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev réclame l’annulation des législatives, Václav Klaus se distancie de toute critique :

« Monsieur le président l’a très bien exprimé : ce sont leurs élections et non pas les nôtres. »

Et le président tchèque de comparer, sur un ton ironique, le mouvement de protestation russe à la récente grève des enseignants tchèques. « Ces propos du président sont absolument faux », a rétorqué le politologue Rudolf Kučera, en affirmant que nulle part dans le monde les élections ne constituent uniquement une affaire intérieure. Même s’il aurait été demandé par la chancellerie présidentielle aux journalistes tchèques de ne pas poser de questions « désagréables » à Dmitri Medvedev, celui-ci s’est tout de même exprimé à ce sujet :

« La construction politique issue de ces élections répond aux attentes de nos citoyens. »

Selon la presse, le président russe aurait toutefois admis, et ceci pour la première fois depuis la tenue des élections, quelques erreurs qui auraient pu être commises lors du scrutin, en indiquant que leur examen est entièrement de la compétence des autorités.

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Une manifestation de défenseurs des droits de l’Homme a rassemblé, jeudi, à proximité du Château de Prague, plusieurs dizaines de personnes, dont un nombre non négligeable de Russes installés en République tchèque. Vasili a voté, à Prague, en faveur du parti d’opposition Yabloko de Grigori Yavlinski :

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« Je suis très inquiet par les derniers événements en Russie. J’espère que les protestations feront évoluer les choses, sinon, la situation dans le pays va empirer. S’il n’y a pas de liberté et démocratie chez nous, je ne vois aucune perspective pour la Russie. Tout de même, je ne peux pas imaginer qu’il y ait une révolution. J’aurais peur pour ma mère, mes amis et leurs enfants qui vivent là-bas. La révolution n’est pas une bonne solution. Je souhaite que le pays se transforme, mais par l’intermédiaire des élections et des organes d’Etat démocratiques, que le pays soit gouverné par les gens qui reflètent mes attentes. »

Ce week-end, de nouvelles manifestations sont prévues un peu partout en Russie. Des appels à ces protestations auxquelles pourraient participer des milliers de personnes ont été lancés sur plusieurs réseaux sociaux. De sévères répressions policières sont également attendues…