33 drogues synthétiques interdites en République tchèque, un coup d’épée dans l’eau

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Le président de la République, Václav Klaus, a signé, mercredi, l’amendement plaçant trente-trois nouvelles drogues de synthèse sur la liste des stupéfiants interdits en Tchéquie. Il s’agissait de réagir à la diffusion de nouvelles substances, lesquelles sont directement vendues sur Internet ou dans des magasins spécialisés à la frontière avec la Pologne. Seize boutiques de ce type et près de quatre-vingt sites Internet ont été recensés. De plus, il a été mis en évidence que les centres de production de ces drogues ne se trouvent pas en Pologne, comme les autorités le pensaient, mais sur le territoire tchèque lui-même.

La police avait en effet découvert au mois de mars un laboratoire de fabrication de drogues de synthèse à Český Těšín, en Moravie du Nord, région où ce commerce périclite. Pour autant, cet amendement est-il une bonne réponse face à une industrie narcotique qui a souvent un temps d’avance sur les autorités ? Effectif vers la fin du mois d’avril, il semble, en tous les cas, ne satisfaire presque personne.

Il y a bien évidemment des arguments dans le sens de cette interdiction, ou en tous cas d’un encadrement de ce commerce, tels que celui avancé par le directeur du Centre médical de désintoxication, Jiří Presl :

Jiří Presl
« Les gens ne savent jamais ce qu’ils ont acheté. Et bien souvent, il est probable que les vendeurs ne connaissent pas non plus le produit qu’ils vendent. C’est ça le problème.»

Pavel Bém est l’un des investigateurs de cet amendement. Membre du parti civique démocrate (ODS), il avait un temps participé à la commission gouvernementale anti-narcotique en sa qualité de médecin. Il se réjouit de cette interdiction au nom de « la protection de la jeunesse ». Cependant, Pavel Bém reconnaît qu’allonger la liste des stupéfiants illégaux ne résout en aucun cas le problème. Les chimistes des organisations qui gèrent cette production ont ainsi jusqu’à fin avril pour mettre à profit leur imagination et réinventer des substances qui ne tomberont pas sous le coup de la loi. Au ministère de la Santé, c’est le processus législatif qui est incriminé, jugé trop long. On y prépare donc une réforme afin de permettre au ministère de décréter directement l’interdiction de tel ou tel produit.

Directeur de la Centrale anti-drogue, Jakub Frydrych va plus loin dans la critique de ce texte :

« Il me semble que cet amendement passe à côté de l’important. Tout le monde dans le processus législatif se rend bien compte du besoin pressant d’un changement d’orientation. Ces substances sont aptes à contourner le système pénal tchèque. »

De nombreux sénateurs eux-mêmes savent que ces nouvelles règlementations ne sont pas efficaces pour lutter contre les réseaux de trafiquants de drogue. C’est le cas du sénateur ODS Přemysl Sobotka, qui pointe du doigt « certains pays » qu’il se refuse à nommer et où les laboratoires clandestins seraient peu inquiétés. Son collègue du parti d’opposition ČSSD (social-démocratie) Vladimír Dryml se demande, lui, pourquoi l’hygiène publique et l’Inspection tchèque des commerces ne sont pas plus impliquées dans la prévention des risques que présentent ces drogues et dans le suivi et le contrôle de ces magasins spécialisés.

A noter enfin que cette mesure permet de respecter le droit européen puisque certains produits concernés, tels que la méphédrone, relativement populaire en Tchéquie sous le nom de « mňau-mňau » (« mniaou-mniaou » en français), ont été interdits en décembre 2010 dans toute l’Union européenne.