Une nouvelle crêperie bretonne à Prague : « les gens viennent ici pour découvrir quelque chose de nouveau »

On recense dans la capitale tchèque quelques crêperies et la tradition des « palačinky » est importante en République tchèque mais c’est dans une authentique crêperie bretonne que nous vous emmenons aujourd’hui dans cette rubrique économique. Frédéric Pievac est originaire de Nantes et il vient tout juste d’ouvrir sa crêperie dans le VIème arrondissement de Prague.

« Bonjour, je m'appelle Frédéric Pievac. Je suis originaire de Nantes, ce qu’on appelait la Bretagne – je ne crois pas que ce soit toujours considéré comme la Bretagne mais c’est quand même une région qui est spécialisée dans les crêpes, de toute façon. Je n’habite plus à Nantes depuis de nombreuses années puisque j’ai déménagé en Grèce initialement, puis à Londres, puis ensuite en Australie avant de me retrouver ici il y a deux ans, où j’ai suivi mon amie. Et voici deux mois que j’ai ouvert cette crêperie. »

Nous nous trouvons donc dans la crêperie Gavroche, dans le quartier de Dejvice, dans le VIème arrondissement de Prague. Pourquoi avoir choisi ce quartier et comment vous est venue l’idée d’ouvrir une crêperie, ici à Prague ?

« Initialement, je n’avais pas choisi le quartier. Je ne voulais pas être dans le centre, je voulais être autour du centre, dans un quartier plutôt résidentiel. J’étais aussi intéressé par des quartiers comme Letná par exemple, des quartiers où les gens ont une qualité de vie relativement élevée, aisée, et où on peut vouloir sortir n’importe quel jour de la semaine sans forcément vouloir aller dans le centre. Je pense que ce quartier est parfait pour toutes ces raisons. »

Vous venez de nous dire que vous avez beaucoup voyagé. Aviez-vous des crêperies dans les autres pays où vous avez vécu ?

« J’ai toujours travaillé dans la restauration, et j’ai en fait toujours voulu avoir une crêperie, depuis mon enfance. J’ai toujours été un grand fan de crêpes, venant de Nantes qui est quand même une région de crêpes – il y a plusieurs centaines de crêperies à Nantes. On a beaucoup de choix dans la région. J’ai toujours parlé à ma mère, à mes parents d’ouvrir une crêperie, ça a toujours été présent en moi et ça ne s’est finalement réalisé que très récemment puisque j’ai ouvert il y a seulement deux mois mais je n’avais jamais oublié cette idée depuis le temps que je travaille dans la restauration. J’ai toujours travaillé dans la restauration, en commençant par la cuisine. J’étais commis, aide de cuisine pendant les vacances, quand j’étais adolescent. Puis quand l’occasion s’est présentée, j’ai dévié vers la salle, comme serveur, derrière le bar, puis serveur, jusqu’à devenir manager, maître d’hôtel, et responsable/directeur de salle. J’ai aussi suivi des études vinicoles, en Australie, pendant trois ans. J’ai donc vingt-cinq ans de métier sans jamais avoir pu m’établir tout en ayant ouvert trois restaurants pour d’autres, à Londres notamment. J’avais donc l’expérience de la restauration mais rien de très poussé concernant la cuisine. Je suis donc retourné à Nantes pour faire un stage de préparation et apprendre à faire les crêpes d’une manière traditionnelle, bretonne. »

Vous avez l’expérience d’ouvrir des restaurants dans d’autres pays, et notamment en Angleterre. Cela vous a-t-il paru compliqué d’ouvrir un restaurant ou de manière plus générale de monter une affaire ici, en République tchèque ?

« Sur le plan administratif, c’était relativement simple. J’étais même surpris par la simplicité des procédures. Il faut bien sûr avoir une certaine expérience dans mon cas, dans la restauration. Je ne sais plus s’il faut six ou huit ans d’expérience ou un diplôme d’école hôtelière. »

Cela veut dire que quelqu’un qui n’a pas fait de restauration peut difficilement ouvrir un restaurant ?

« Quelqu’un effectivement qui n’a pas fait de restauration et qui n’a pas fait d’école hôtelière aura sans doute quelques problèmes, mais il y a toujours des moyens de contourner ce genre de problèmes en embauchant ou en s’associant avec des candidats qui auraient ce qu’il est nécessaire pour ouvrir un restaurant. »

Que nous proposez-vous dans votre crêperie ?

« Nous proposons principalement des recettes traditionnelles bretonnes même si la farine elle-même, la farine de sarrasin, ne vient pas de Bretagne puisqu’elle vient de Moravie. J’ai essayé énormément de farines différentes, j’ai beaucoup souffert dans mes recherches parce que je n’arrivais pas du tout à trouver quelque chose qui se rapprochait de ce que je considère être un goût assez particulier de la farine de sarrasin en France. Je pensais justement être obligé d’en importer qui n’est pas forcément une solution facile. Et j’ai fini par trouver quelque chose de très intéressant qui ressemble, pour moi, presque parfaitement à ce que je recherchais, qui est une farine 100% sarrasin, venant d’un petit village à côté de Brno, en Moravie. »

Je voulais vous poser la question de la farine parce que j’ai rencontré beaucoup de bretons malheureux à Prague du fait de ne pas pouvoir trouver de farine de sarrasin. Votre fournisseur est donc un petit producteur ?

« Oui, c’est un petit producteur. Vous pouvez d’ailleurs trouver sa farine dans quelques magasins bio, ici à Prague. Moi, bien sûr, je la commande en plus grande quantité. »

Les crêpes à la farine de sarrasin est donc une découverte pour les Tchèques ?

« Il me semble que oui pour ce qui est du 100 % sarrasin. Les crêpes ou les galettes tchèques ne suivent pas forcément les traditions françaises ou bretonnes, pas du tout même. Elles sont plus épaisses, en général, et aussi moins assaisonnées, moins relevées en goût, un peu plus lourdes sans doute. Je cherchais au contraire à reproduire quelque chose de plus authentiquement breton. »

Pensez-vous que votre clientèle connait déjà les crêpes bretonnes ou elle vient découvrir ?

« Je pense qu’il y a les deux. Il y a énormément de gens qui viennent ici, qui sont déjà allés en France et qui pensent qu’ils connaissaient les vraies crêpes. Par exemple, j’ai des clients qui vont souvent dans le sud-ouest, du côté de Toulouse et qui adorent les crêpes et qui pensaient que les crêpes venaient du sud-ouest alors que pas du tout. Mais effectivement, il y a des crêperies partout en France, à Paris, à Strasbourg, à Toulouse, à Marseille tout comme à Nantes. On peut comparer cela avec les pizzas. En Italie, la pizza vient de Naples mais on ne le sait pas forcément. Les étrangers ne sont pas nécessairement au courant d’où vient la tradition des crêpes-galettes françaises. Donc il y a une certaine découverte de ce point de vue. Puis il y a des gens qui viennent pour découvrir, qui n’ont jamais goûté de crêpes françaises et qui viennent ici pour comparer. Mais ça se fait beaucoup par le bouche à oreille. »

La question est un peu délicate à poser à quelqu’un qui vient d’ouvrir un commerce mais comment cela marche-t-il ?

« Disons qu’il y a des hauts et des bas, comme n’importe quel nouveau commerce. On a démarré plutôt fort, on a ouvert début août. Je ne sais pas si c’est le fait d’avoir la terrasse, mais sans doute. Nous faisons également des cocktails, nous sommes aussi un café donc nous offrons toutes sortes de consommations en dehors des crêpes. Nous avons une très belle terrasse en été donc de fait le démarrage était très encourageant. Depuis la semaine dernière ça s’est un peu ralenti ; je ne sais pas si c’est une question de climat ou le fait qu’on ait arrêté la terrasse. Puis il y a toujours le côté découverte. Les gens viennent découvrir ce qui se passe dans leur quartier puis ils se calment mais sans doute reviendront-ils très bientôt. Mais je ne me plains pas du tout, ça a été un début très encourageant, puis une suite un petit peu plus calme mais rien d’inquiétant. »

Le bouche à oreille fonctionne bien parce que c’est comme ça que j’ai entendu parler de cette crêperie et notamment du menu de midi, où vous vous adaptez au habitudes tchèques avec des menus déjeuner pour les gens qui travaillent...

« Exactement. Au départ, c’était seulement une galette et une crêpe pour 99 czk, ce qui est le prix cliché pour déjeuner à Prague. Je me suis aperçu qu’il y avait des répétitions de clientèle et les mêmes gens revenaient assez souvent. Donc pour changer tout ça, on fait maintenant des soupes et des quiches, et on va rajouter quelques plats très bientôt comme par exemple des saucisses et de la purée et des choses qui collent un peu plus au corps pour réchauffer les gens pendant l’hiver. »

Pour accompagner le tout, servez-vous du cidre, boisson tradionnelle dans les crêperies ? Le faites-vous venir de France ?

« Bien sûr, nous avons du cidre bouché doux et brut, que je trouve localement, puisque j’ai trouvé un petit importateur local qui me fournit le cidre doux et brut. Nous avons également une carte des vins un peu plus élaborée que dans une crêperie ordinaire. Il y a une sélection de trente-cinq vins, du fait de ma passion pour le vin et des études que j’ai faites dans le passé en Australie. J’essaie donc de développer ce côté. C’était l’idée de départ, d’essayer de marier le côté bar et vin et crêperie. Affaire à suivre. »