Tours-opérateurs : fin de l'hécatombe, début de stabilisation ?
Selon le bureau tchèque des statistiques, 3,5 millions de Tchèques partent chaque année pour des destinations plus ou moins lointaines, un chiffre qui ne cesse d'augmenter, marque de l'intérêt grandissant pour les vacances à l'étranger. Une tendance accompagnée, à l'évidence, par la floraison de centaines d'agences de voyages spécialisées dans le « outgoing », les voyages vers l'étranger, Cedok, Fischer, Exim Tours et Firo Tour en tête. Mais en dépit de cet engouement qui dure depuis 10 ans, le secteur traverse actuellement une grave crise, et nombre de tours-opérateurs, à l'instar de Globtour récemment, ont, soit fait faillite, soit cessé leur activité, laissant, souvent, des pauvres vacanciers sur le carreau. Jan Papez, chef de la section des tours-opérateurs au sein de l'Association tchèque des agences de voyage, a essayé de faire le point sur ce problème.
Quelles sont les raisons économiques profondes de ce phénomène un peu paradoxal à première vue ?
" Les raisons pour ces cessations d'activité sont de trois types. La première est liée au fait que le marché des agences de voyage est saturé, et que les agences n'ont pas été capables de trouver un segment peu exploité. En effet, elles offraient toutes la même chose et se faisaient concurrence plus par les prix pratiqués que par une originalité de l'offre. Inévitablement, leurs marges se sont réduites de plus en plus, et puis elles ont fini par ne plus avoir assez de gains pour survivre.""Je dirais ensuite que c'est une évolution prévisible. Après le boom des années 1990 en matière de voyages, où tout le monde voulait avoir sa propre agence, l'expérience a montré que le secteur du tourisme nécessite, comme n'importe quel autre, un savoir-faire et certains paramètres économiques."
"La troisième raison est liée, selon moi, aux mutations importantes qui ont eu lieu au niveau des fournisseurs de services auprès des agences de voyage. Si, autrefois, les hôtels, compagnies de transports routiers ou compagnies aériennes, proposaient leurs services sans autre condition, aujourd'hui, ces fournisseurs de services sont devenus plus exigeants et demandent à leurs clients des garanties solides ou des avances de paiement, leur assurant qu'ils seront rémunérés. Or ces garanties demandent une base financière conséquente que, souvent, les agences n'ont pas."
Un phénomène purement tchèque, pour l'instant, mais qui, à l'instar des pays d'Europe de l'Ouest dans les années 1990, pourrait bientôt toucher d'autres anciens pays communistes d'Europe de l'est.
A une offre très largement supérieure à la demande et au manque de capitaux s'ajoute un autre facteur « de crise », la fiabilité des agences, qui ne sont pas toujours assurées contre ce genre de risques." Normalement, les assurances fixent les cotisations des agences de voyages en fonction de leurs revenus. Mais compte tenu de la lenteur du processus législatif dans ce pays, il y a des « vides juridiques » qui se créent et qui laissent la possibilité à certaines agences peu scrupuleuses, de ne pas contracter d'assurance. Le client ne se doute pas qu'il a affaire à une agence de voyage qui n'en est pas une, et qui du fait qu'elle ne paie pas d'assurance, peut offrir des prix très attractifs. Ces agences ne sont là que pour ternir la renommée de l'industrie tchèque du tourisme. "
Si le gouvernement s'est attelé à la tâche en formulant un nouveau projet de loi, pour Jan Papez, la meilleure solution pour éviter tout problème, c'est la vigilance des clients.
" Un projet de loi sur l'activité touristique a été élaboré et devrait être approuvé sous peu. Cette loi prévoit des conditions plus strictes pour les agences de voyages, et devrait mener, à terme, à une « purification » du secteur. Mais selon moi, c'est vraiment au client de voir au-delà d'offres parfois très alléchantes, et de faire attention avec quelle agence il part en voyage, si cette agence est assurée et tout simplement à qui il donne son argent. "Si la crise est particulièrement aiguë en République tchèque, il ne faut pas oublier que l'Allemagne, mais aussi l'Angleterre, l'ont vécue, il y a quelques années. Suite à des cas retentissants, où des centaines de touristes étaient restés en rade, et où l'Etat avait du mettre la main à la poche pour les rapatrier, quelques grands tours-opérateurs ont finalement phagocyté un grand nombre de petites agences. Un phénomène de consolidation et d'harmonisation du marché « tout à fait normal », selon Jan Papez, auquel la République tchèque ne va pas échapper.
" Je vois tout cela d'un bon oeil. Le marché de l'outgoing va à mon avis se diviser en trois grandes branches. La première englobera les agences spécialisées dans les voyages « de masse », c'est-à-dire les voyages en charters, où le prix importe plus que la qualité. L'autre type d'agences recherchera justement la qualité, c'est-à-dire qu'elle touchera un segment de marché réservé aux personnes qui veulent des vacances réussies et qui sont prêtes à payer pour. Et le troisième groupe d'agences de voyages se spécialisera soit dans le tourisme régional, plus convivial, où les gens connaîtront par exemple le chef de l'agence et auront plaisir à partir avec lui, soit elles deviendront des sortes de cabinet de conseil, et proposeront des vacances à 100% sur mesure à leur clientèle. Ces trois grands groupes, qui se forment aujourd'hui déjà autour de Fischer, Cedok et Exim Tours, vont se partager le marché à 80-90%, un marché qui, d'ici une ou deux saisons, sera harmonisé. "