Sanofi-Aventis et le secteur pharmaceutique en République tchèque : « la consommation de médicaments est raisonnable mais est-elle la bonne ? »

Marie-Noëlle Antoine est directrice du marketing pour Sanofi-Aventis, la société leader en Europe dans le domaine pharmaceutique. Sanofi-Aventis a acquis en mars dernier 96,8% de la société tchèque Zentiva. Marie-Noëlle Antoine a présenté sa société et ce secteur en République tchèque au micro de Radio Prague.

Marie-Noëlle Antoine,  photo: Anne-Claire Veluire
« C’est une société qui est française, qui s’est faite de fusions variées et nombreuses. Aujourd’hui, nous sommes la première société tchèque, Sanofi-Aventis et Zentiva ensemble, Sanofi-Aventis étant principalement sur les produits originaux et Zentiva complétant complètement le porte-folio puisqu’ils sont sur les génériques. Et l’idée de Sanofi-Aventis-Zentiva est réellement de pouvoir donner pour le patient une couverture globale en fonction de ses besoins. On couvre l’ensemble de ses besoins. »

Il y a à peu près six mois, Sanofi-Aventis a racheté la plus grosse partie du capital de Zentiva. Comment le mariage s’est-il passé ?

« Sanofi-Aventis était déjà partenaire chez Zentiva. Et effectivement, maintenant, la société a le contrôle de Zentiva. Et comme je le disais, l’idée est de couvrir l’ensemble des besoins des patients et des médecins qui prennent soin de ces patients. En République tchèque, nous travaillons ensemble sur la partie République tchèque, et il y a une plate-forme Zentiva qui est responsable pour la politique générique européenne du groupe. »

Comment se porte le secteur pharmaceutique en République tchèque dans le contexte de crise que l’on connaît actuellement ?

« L’industrie pharmaceutique en République tchèque aujourd’hui a un certain nombre de difficultés liées notamment au système de prix et de remboursements. En République tchèque, il y a la volonté de réduire les coûts, comme dans beaucoup de pays. Il est difficile d’avoir l’innovation reconnue et c’est aussi extrêmement difficile d’avoir des prix relativement raisonnables au niveau des médicaments. Le système a complètement changé au début de 2008. Et aujourd’hui, ce sont en permanence des révisions de prix, toujours à la baisse, jamais à la hausse, qui sont basés sur les autres prix européens, mais au niveau du prix, ce sont souvent des moyennes de certains pays, mais au niveau des remboursements, ce sont toujours les prix les plus bas. Et c’est relativement difficile de réussir à fournir des produits de qualité à des prix qui ne sont pas au même niveau. »

L’absorption de Zentiva par Sanofi-Aventis appartient-elle à une stratégie des grandes sociétés d’absorber les sociétés qui fabriquent des médicaments génériques ?

Cela veut dire qu’un patient avec un certain nombre de pathologies a besoin d’un certain nombre de choses, et l’idée n’est pas de lui donner simplement des comprimés ou un injectable, mais d’accompagner ce patient et de lui permettre d’avoir une prise en charge de sa maladie. Donc il est tout à fait logique dans cette approche d’avoir cette combinaison entre des produits plus innovants et des produits génériques, et de pouvoir couvrir l’ensemble de ses besoins, en fonction de ce dont il a besoin, qui diffèrent aussi d’un patient à l’autre. »

« Ce n’est pas une absorption, même si au niveau du contrôle financier, au niveau réellement pratique, de la vie quotidienne, nous utilisons le terme de combinaison parce que nous sommes synergiques. Nous ne nous adressons pas forcément aux mêmes pathologies, ni aux même patients, et cela nous permet d’avoir une approche plus globale de la pathologie. Dans les années passées, on avait tendance à parler médicament, où un médicament permet de traiter tel type de patient, mais aujourd’hui on est train d’évoluer dans cette approche, c’est-à-dire qu’on est beaucoup plus dans une approche de ce qu’on appelle en anglais le ‘disease management’.

Vous parlez d’innovation. Nous sommes aujourd’hui à une remise de prix à de jeunes chercheurs qui font de la recherche dans le domaine pharmaceutique. Comment se présente le monde de la recherche pour vous en République tchèque ?

« Nous sommes très heureux de pouvoir contribuer à la recherche par ce prix que nous supportons depuis le début, soit de nombreuses années, à travers Sanofi-Aventis ou à travers aujourd’hui des compagnies qui composent Sanofi-Aventis. C’est quelque chose qui est important pour nous, et le fait que même si ce n’est pas demain – ça peut être dans 10 ans ou dans 15 ans – cette recherche permettra de trouver de nouveaux mécanismes d’action, de trouver de nouveaux médicaments. Nous avons une unité ici qui fait du développement clinique en République tchèque. Pour ce qui est de la recherche pure sur nos produits, tout est de plus en plus centralisé. On est obligé car les coûts sont tellement importants. Et on est obligé de faire de la recherche avec l’idée de trouver quelque chose qui globalement, mondialement, internationalement, sera lancé et existera sur le marché. »

Est-ce dans vos objectifs d’intégrer dans vos équipes de recherche un jour les jeunes chercheurs que vous avez récompensé aujourd’hui ?

« Ça dépendra s’ils sont mobiles. Je pense qu’on a besoin de chercheurs, on a besoin de gens qui trouvent de nouvelles molécules, mais on a aussi également besoin de gens qui vont faire de la recherche fondamentale. La recherche n’est pas notre objectif premier, mais en revanche, on se rend compte que de plus en plus, nous avons des accords de recherche qui est peut-être moins appliquée que celle qu’on pourrait faire en interne, mais qui nous apporte des choses nouvelles. Donc même si ces jeunes chercheurs ne seront pas directement nos salariés, il est tout à fait possible que dans le futur, il y ait des accords avec l’Université et qu’ils travaillent sur des projets que nous sponsorisons. »

En France, nous avons la réputation que les Français sont de grands consommateurs de médicaments. On pourrait avoir le même sentiment en République tchèque. Est-ce vraiment le cas ?

« Le marché tchèque n’est pas un très gros marché. Si l’on regarde avec d’autres pays qui ont une dizaine de millions d’habitants, il y a des marchés qui sont beaucoup plus gros. La consommation est raisonnable. Maintenant, cette consommation est-elle la bonne, c’est une autre question. Et l’on revient à la difficulté de mettre les produits à la disposition des patients par le système de prix et de remboursement. Très souvent, les produits innovants, ceux qui pourraient vraiment changer l’approche du traitement de certains patients, ont beaucoup de mal à être lancés. Les sociétés sont contraintes d’avoir un certain niveau européen parce qu’il n’y a aucune raison pour que le même produit soit vendu trois fois plus cher dans un pays que dans un autre. Il y a un minimum qui est requis. Il faut aussi avoir le ‘pay-back’ de tout l’investissement qui a été fait parce que ça a été des années de recherche et très souvent, en République tchèque, il est très difficile de faire reconnaître l’innovation, de faire reconnaître le bénéfice des produits. Ils sont reconnus par les sociétés médicales, par les médecins, mais dès qu’on commence à parler remboursement, c’est là où on se heurte au fait que l’innovation n’est pas reconnue et qu’on va être obligé d’attendre pour le mettre sur le marché parce que le remboursement qui est proposé n’est pas cohérent. »

La pandémie de grippe porcine qui est annoncée inquiète un peu tout le monde. Qu’en pensez-vous, en tant que pharmacienne et en tant que représentante d’une société pharmaceutique ?

« La difficulté aujourd’hui est que personne ne sait ce que ça va être. L’idée n’est pas d’affoler les gens. L’idée est de dire : il faut être prêt. Ce que l’on dit, ce que j’entends pas les médias, et ce que je crois vrai en tant que pharmacienne, c’est que les virus mutent. Il est aujourd’hui relativement bénin, même s’il y a eu malheureusement quelques morts. Mais dans l’ensemble, il n’est pas trop virulent. Mais demain, il peut être différent, il peut être beaucoup plus virulent, et ce qui est sûr, c’est qu’il se propage assez vite. L’objectif, ce n’est pas la panique, mais c’est qu’il faut être prêt à réagir. Il ne faudra pas réagir au bout d’un mois, mais il faudra réagir très rapidement, et je crois que c’est ce que les Etats sont en train de faire. »