Quel bilan économique pour le gouvernement sortant ?

Jiri Paroubek a remis cette semaine la démission de son cabinet, mettant ainsi fin à neuf années consécutives passées par le Parti social-démocrate à la tête du gouvernement tchèque. Retour aujourd'hui sur le bilan économique de ces dernières années au pouvoir.

Le résultat d'ensemble est impressionnant : chaque année depuis quatre ans la croissance économique sous les gouvernements Spidla, Gross, puis Paroubek a atteint des records, pour dépasser les 6% cette année. On écoute le vice ministre pour l'économie du gouvernement démissionnaire, Jiri Havel. Selon lui, ce sont les efforts cumulés des derniers gouvernements dirigés par les sociaux-démocrates qui sont à la base de la réussite de l'économie tchèque :

« Personnellement, je fais le bilan des huit dernières années passées au pouvoir par le CSSD. Je pense que ce fut une période de succès en matière économique. La République tchèque est un champion de la transformation économique et une destination privilégiée par les investisseurs étrangers. Selon Ernst & Young, notre pays est le 7e pays le plus attractif du monde pour les investisseurs. Notre main d'oeuvre est très recherchée. Ce sont des succès encore plus grands que ce à quoi nous pouvions nous attendre. »

L'analyste de Patria Finance David Marek voit dans la réussite actuelle de l'économie tchèque plus que la patte du seul Parti social-démocrate. Selon lui, les conditions favorables ont été réunies avant :

« La période positive que nous connaissons actuellement, nous la devons au gouvernement antérieurs, je pense ici aux gouvernements de la fin des années 1990, précisément aux gouvernements Tosovsky et même Zeman. »

L'économie tchèque se porte bien, pas de doutes là-dessus, mais les politiciens ont-ils su en profiter assez pour effectuer les réformes nécessaires ? La réponse est négative, pour David Marek :

« L'économie va vraiment bien, mais nous ne préparons pas assez l'avenir. Nous dormons sur nos lauriers et n'anticipons pas assez le futur, dans lequel notre économie pourrait ne pas être aussi florissante. Les exemples à ne pas suivre pourrait être l'Allemagne et la France. Quand leur économie se portait bien, les gouvernements n'en n'ont pas profité pour entreprendre les réformes nécessaires et par la suite, quand leur croissance a commencé à faiblir, de réels problèmes sont apparus. »

Au cours des dernières années ont été privatisées plusieurs grosses entreprises, notamment Cesky Telecom et Unipetrol. Les principales entreprises nationales qu'il reste à capitaliser sont le groupe énergétique CEZ, les Aéoroports pragois, et la compagnie aérienne CSA.

Jiri Paroubek,  photo: CTK
Le chef du gouvernement sortant, Jiri Paroubek, se targue d'un bilan très positif. Pour lui, l'arrivée de gros investisseurs dans le pays, comme le constructeur automobile Hyundai, est un signe de l'efficacité de son gouvernement, et pas le seul :

« Nous avons l'une des plus fortes croissances en Europe, et nous remplissons pour l'instant tous les critères fiscaux, c'est donc un 20/20 pour ce gouvernement. Mais si je devais parler des lacunes, je dirais que si j'avais eu plus de temps, j'aurais davantage lutter contre la corruption. »

Adriana Krnacova
La corruption reste en effet un problème important pour le bon fonctionnement de l'économie tchèque. « La corruption touche des domaines très sensibles, dit Adriana Krnacova, de l'ONG Transparency International. Le versement de pots-de-vin reste une pratique utilisée pour influencer le processus législatif, les appels d'offre publics, et la distribution de subventions publiques. »

Pour l'analyste David Marek, la lutte contre la corruption n'est pas le seul domaine dans lequel le gouvernement n'a pas été assez efficace :

« Selon moi, pas assez d'efforts n'ont été faits dans le domaine fiscal : le gouvernement a renoncé à une diminution conséquente et sur le long terme du déficit des finances public et à passer une réforme du système des retraites malgré la formation d'un groupe d'experts ad hoc, et puis aussi l'état des chemins de fer et le financement du système de santé. »

La réforme du sytème des retraites : un casse-tête qu'aucun gouvernement tchèque, aucune coalition n'a réussi à résoudre. Jiri Havel se refuse pourtant de considérer l'absence de réforme comme un échec :

« Le système des retraites n'est pas en danger dans l'immédiat. Il s'agit de prévoir une réforme pour organiser les retraites d'ici vingt ou trente ans. Mais il faut ici un accord entre toutes les forces politiques du pays. Et cet accord n'a pas été trouvé. Le parti social-démocrate était pourtant prêt... »

Photo : Stepanka Budkova
Sans consensus dans les prochaines années, la situation risque de devenir compliquée. Il est presque déjà trop tard, selon l'analyste David Marek :

« C'est une erreur de croire, comme l'année dernière, qu'il n'est pas urgent d'agir. La réforme des retraites aurait dû être entamée il y a cinq ans. Nous avons déjà cinq ans de retard. Chaque année qui s'écoule sans réforme des retraites impliquera une réforme d'autant plus difficile. Plus on commencera tard, pire ce sera. Il va falloir prendre des mesures encore plus drastiques pour assurer la retraite des gens qui ont aujourd'hui la trentaine. »

Le déficit public du pays est un sujet dont on parle beaucoup en cette période de flou politique et de passation de pouvoir. Le titre du quotidien Lidove noviny de ce vendredi était : « les dépenses de l'Etat menacent les taux d'intérêt ». Avant de quitter le ministère des Finances, Bohuslav Sobotka a présenté son projet de budget pour l'année 2007 : le déficit prévu est de 88 milliards de couronnes. Cela représenterait 3,8% du PIB (contre 3,6% cette année) et dépasserait ainsi les critères de convergences fixés par Bruxelles. Selon David Marek, l'entrée de la République tchèque dans la zone euro, prévue pour 2010, n'est cependant pas compromise :

« Cela est toujours possible... Néanmoins si on avait fait davantage de réforme les prochains budgets n'auraient pas eu besoin d'être serrés comme ils vont devoir l'être. Comme le budget de l'année 2007 ne sera pas un budget de réforme, cela veut dire que les déficits des années suivantes devront être sévérement réduits. »