Le piratage de films heurte de plein fouet les salles multiplexes

Les salles de cinéma multiplexes de Prague sont à la morosité après le bilan de l'année 2005. Les entrées enregistrent une baisse significative et les professionnels du secteur pointent du doigt les pratiques de piratage et de copiage qu'offrent Internet et les DVD non protégés. Un débat d'actualité puisque depuis décembre, la France voit une vive polémique se développer face aux droits d'auteur et aux téléchargements gratuits sur Internet.

Pour de nombreux Tchèques, le copiage de DVD est devenu une simple routine. Certains DVD proposés à la location ne possèdent aucune protection contre le copiage et de nombreux amateurs achètent en fait un film quand ils vont en louer un. En outre, la qualité ne varie presque pas par rapport à l'original. Pourquoi payer une place de cinéma quand on peut voir le même film gratuitement et à la maison. La taille de l'écran et toute l'atmopshère qui va avec direz-vous ? L'argument porte moins que l'économie effectuée. Depuis 1993, le prix du ticket au multiplexe a quadruplé ! Il faut ajourd'hui debourser environ 160 Kc pour se payer une toile !

Outre le copiage, l'autre source majeur de films gratuits se trouve sur Internet et la pratique se double d'un autre avantage que le simple argument économique. En effet, sur Internet, il est possible de se procurer certains films américains peu de temps après leur sortie, ce qui permet d'éviter le fossé temporel qui touche les salles européennes face aux films outre Atlantique. Pour de nombreux amateurs, nouveauté rime avec Internet et non avec sortie cinéma. L'argument est de poids, quand on sait que certains cinéphiles - extrêmes et minoritaires certes ! - vont jusqu'à voyager aux Etats-Unis pour voir les films dès leur sortie.

Depuis quelques mois, ce phénomène se ressent peut-être, en partie, sur les salles multiplexes de Prague. Ces grands cinémas modernes aux nombreuses salles, qui, à Prague, poussent depuis 1993 comme des champignons, voient cela d'un mauvais oeil.

L'année dernière, les Tchèques ont téléchargé 33 % de fichiers ciné ou audio en plus par rapport à 2004, selon l'agence Media Project - Internet monitor. Les salles multiplexes ont vu, quant à elle, leur nombre d'entrées baisser de 20 %. Les revenus sont ainsi tombés de 1,1 milliards de couronnes (45,6 millions de dollars) à 850 millions de couronnes en 2005, selon l'Union des distributeurs de Films.

Certains spécialistes de l'industrie cinématographique mettent en avant que l'année 2005 a été spécialement mauvaise en terme de qualité des films sortis. Ainsi, certains d'entre eux comparent le phénomène à la sphère musicale, qui connut les mêmes déboires il y a quelques années.

Photo illustrative: Archives de Radio Prague
Mais le piratage de film aurait aussi sa part dans ces mauvais chiffres. Et la tendance ne devrait que se développer. En effet, si le nombre de connexions internet haut-débit à la maison est encore bien inférieur en République tchèque par rapport aux USA ou à l'Europe occidentale, le pays rattrape à grands pas son retard. Ainsi, 45 % des connectés étaient déjà au haut débit au premier semestre 2005. Six mois plus tard, le chiffre passait à 53 %, concernant majoritairement les jeunes gens, principaux adeptes du piratage. Le profil-type du téléchargeur tchèque : un homme de moins de 30 ans, souvent étudiant. Les experts affirment que certains d'entre eux passent plus de 20 heures par semaine à télécharger des fichiers de cinéma ou de musique.

Le procédé des plate-formes P2P (peer to peer) est basé sur le principe du partage de fichiers entre utilisateurs. Chaque personne qui télécharge des fichiers devient à son tour pourvoyeuse de fichiers pour les autres internautes. Internet regorge de logiciels gratuits pour se procurer des films, tels Big Torrent ou encore Kasaa. L'offre est vaste et permet de se procurer autant des films grand public que des bijoux d'arts et essais.

En France, la récente polémique sur la loi relative aux droits d'auteur face aux téléchargements gratuits a montré que la problématique est devant nous. Et qu'elle n'a pas fini de faire couler de l'encre ! En décembre 2005, plusieurs amendements sur les articles relatifs au droit d'auteur ont provoqué un vif débat, avec 150 000 signatures pour le retrait du projet. Les artistes eux-mêmes sont divisés entre anti et pro. Mais loin de rendre le téléchargement illégal en soi, le gouvernement français semble plutôt s'acheminer vers la solution de plate -formes de téléchargement payantes, comme i Tunes.

Le débat est compliqué entre respect des droits d'auteur et démocratisation de l'accès à la culture. De telles discussions arriveront-elles aussi au niveau parlementaire en République tchèque ? Les acteurs - si je puis dire - de l'industrie du multiplexe pourraient bien être tentés de faire appel à l'Etat. Comme les petits cinémas l'avaient fait, en vain, face à la déferlante dévastatrice des... multiplexes !