Le marché du travail tchèque : entre flexibilité et précarité

Le fondement du développement durable veut que l'homme soit replacé au sein de l'économie. Cela implique, sur le marché du travail, la promotion d'un système efficace de protection des employés. Or, la tendance actuelle globale va dans le sens contraire : avec une pratique de plus en plus courante de l'externalisation et de la sous-traitance, ce sont, entre guillemets, les faibles, les employés, qui amortissent le risque et les chocs encourus par les employeurs. Jaromira Kotikova, de l'Institut de Recherche pour le Travail et les Affaires sociales (VUPSV), a expliqué au micro de Radio Prague comment l'employeur tchèque tente, lui aussi, de se désengager face à ses employés, et comment cela aboutit à une situation de précarisation du marché du travail.

Photo: Archives de Radio Prague
"La précarisation du marché du travail, c'est en fait l'existence de contrats de travail précaires qui protègent insuffisamment les employés. L'employeur sent toutes sortes de pressions et de contraintes : qu'il s'agisse des charges sociales ou des impôts à payer, ou des obligations à remplir pour un employeur en cas de licenciement, obligations qui visent à protéger l'employé. Donc, bien sûr, l'employeur cherche à contourner ces obligations en proposant de plus en plus de contrats de travail précaires. Ces contrats réduisent sensiblement les dépenses de l'employeur pour les salaires et toutes les charges sociales, et lui évitent de cotiser pour l'assurance-maladie et la couverture sociale. Avec ces contrats, il ne paie pas non plus sa cotisation pour le soutien à la politique d'emploi, et en plus, ses prélèvements fiscaux sont réduits."

Ce qu'on entend par contrats précaires, ou flexibles, peut prendre la forme de contrats de mandataires ou de vacataires, de contrats liés à des missions spécifiques, de temps partiels ou encore de contrats à durée déterminée. Mais tous les contrats flexibles, c'est à dire qui ne sont pas à plein temps et pour une durée indéterminée, ne sont pas forcément précaires. Comme le travail à mi-temps pour les mères de famille, qui est très répandu dans les pays de la vieille Europe comme en Hollande ou en Scandinavie et qui a un caractère tout à fait social.

"La stratégie communautaire pour l'emploi consiste, en fait, à réduire le chômage. Pour cela, l'Union européenne préconise plusieurs instruments, parmi lesquels figure justement la flexibilité sur le marché du travail. Il est important que nous nous penchions sérieusement sur la question, mais il est aussi impératif que nous fassions attention à la direction que nous voulons prendre dans ce domaine."

Si la flexibilité peut être une solution pour les trois quarts des familles tchèques qui souffrent de ce qu'on appelle la nouvelle pauvreté, liée au chômage, pour certains groupes à risques, durablement exposés au problème du chômage, d'autres mesures doivent être envisagées.

"Il s'agit de travailleurs ayant des problèmes de santé, qui font partie d'une classe d'âge plutôt élevée ou qui n'ont qu'une faible qualification. A cela s'ajoutent les jeunes diplômés, qui forment un groupe assez spécifique, assez fortement touché, même si pour des durées souvent courtes, par le chômage, et ce du fait de leur manque de pratique professionnelle. Mais pour ceux-là, des solutions existent. Là où la situation est plus critique, c'est quand il y a cumul de plusieurs handicaps. Quand une personne est peu qualifiée, qu'elle a des problèmes de santé ou bien un handicap, et qu'en plus elle fait partie de la cohorte supérieure en terme d'âge, dans ce cas, la situation est vraiment grave. Ces personnes font partie de ce que l'on appelle les "inemployables". "

Photo: Archives de Radio Prague
Pour ces personnes-là, les moyens de réintégrer le marché du travail sont réduits. La seule alternative serait d'augmenter leur qualification, mais les gens qui font partie de la classe d'âge supérieure n'ont aucune envie ni motivation à améliorer leur qualification. En effet, la formation continue ne fait pas partie des priorités de ce pays où les gens n'ont pas été habitués à une telle démarche, et où des gens âgés parfois de 40 ans refusent et ne voient aucune utilité à reprendre une formation.

Encore en transition, la République tchèque cherche à définir sa ligne de conduite en matière d'emploi. Son code du travail, remontant aux années 1960, a été amendé une vingtaine de fois et devrait être reformulé pour 2006. En attendant, de nouveaux projets de lois sont proposés pour lutter contre le chômage et la précarisation du marché du travail.

"Il était devenu fréquent ici qu'un employé enchaîne plusieurs contrats de 6 mois, parfois même de plus courte durée, et qu'il soit de cette manière perpétuellement en période d'essai. Or, en période d'essai, l'employeur peut se débarrasser de son employé du jour au lendemain. Aujourd'hui, de nouvelles mesures sont en cours d'élaboration et elles devraient limiter ce genre d'abus. La première idée était d'autoriser l'enchaînement de 2 ou 3 contrats à durée déterminée. Finalement, l'employé devra, au bout de 2 ans, obtenir un contrat à durée indéterminée."

Auteur: Agnès Vaddé
lancer la lecture