Guy Plessen : « Il y a un gouffre entre ce qui est enseigné et les besoins des sociétés »

Guy Plessen est le directeur de « Europort Business School », une nouvelle école spécialisée sur le monde des affaires. Il nous parle de son école et de la formation pour adultes en République tchèque et en Europe.

« Cette école donne des « BA ». Un « BA », c’est en dessous d’un « MBA », c’est un « Business Administration », et nous nous orientons vers les adultes. Depuis la déclaration de Bologne, que personne ne connaît mais qui a eu un impact assez grand sur l’éducation, quand vous suivez une éducation dans un pays X, vous obtenez ou un diplôme, ou des points de crédits pendant vos études, ce qui vous permet de continuer vos études dans le même domaine dans un autre pays. Supposons donc qu’un étudiant décide d’arrêter avec les études Europort Business School ici, si c’est dans le même domaine, il peut tout à fait continuer au Portugal, en Hollande, et en France. Donc c’est le système novateur ; ce qui est important, c’est l’accréditation du système. Une autre chose dans le « BA », c’est que j’ai naturellement cherché à me différencier des autres. La première chose est que je m’oriente seulement vers les adultes, ce qui veut dire que les horaires sont adaptés aux adultes. Il y a une certaine tradition un peu bizarre en République tchèque, qui est que lorsque l’on parle éducation pour adultes, c’est toujours pendant le week-end. Mais mon idée est que lorsque l’on a 30 ou 35 ans, on a une famille donc le week-end a quelque chose de sacré. Et pour les gens qui n’ont pas encore de famille, ils recherchent pendant le week-end le ou la partenaire pour fonder cette famille. Donc je préfère faire les leçons pendant la semaine, de 19h à 22h deux fois par semaine, ce qui est plus logique pour quelqu’un qui travaille normalement.

Une autre différenciation réside dans les domaines vers lesquels je m’oriente : logistique, ressources humaines, finance et marketing. Une troisième différenciation se trouve aussi dans le fait que normalement, des études « BA » durent trois ans, mais comme je m’adresse à des adultes, je prends en considération leur passé professionnel qui peut éviter qu’ils fassent des stages en interne en entreprise, parce qu’ils travaillent. Donc ceci réduit la totalité des études à deux ans au lieu de trois, ce qui fait que même si par année je suis un peu plus cher, le montant total reste naturellement moins cher. »

Quelle est la nature des enseignements ? Vous avez évoqué les ressources humaines, la logistique etc. Quelles sont les connaissances et compétences que vos étudiants vont pouvoir acquérir ?

« Dans la base d’un programme « BA », 70 % est similaire pour toutes les études. Donc tout le monde passe ces 70%, ce qui inclue management, finances, ressources humaines. Peu importe quelle sera la spécialisation après. Donc la première année est en principe générale, et on s’oriente vers une spécialisation selon son choix pour la seconde année. Mes formateurs, mes professeurs, sont tous originaires du monde du business. Contrairement aux autres universités où les gens ont plutôt une formation académique, mes formateurs savent ce qu’est le business de tous les jours. »

Vous dites que votre école est adressée aux adultes. Ce sont des gens qui sont en reconversion professionnelle ?

« Non, la reconversion professionnelle n’est pas quelque chose qui existe si fortement en République tchèque qu’en France. En France, ce n’est pas seulement un terme à la mode mais qui veut dire quelque chose. Pour les emplois disons plus bas, ça existe. Il y a des formations payées par l’Etat. Une fois passé un certain niveau, la reconversion professionnelle n’existe pas en tant que telle. Par contre, il y a une raison historique. Il y a énormément, depuis 15 ans, d’emplois qui ont été créés dont il n’existait pas de formation en Europe centrale. Je prends comme exemple la logistique, les ressources humaines et les finances – les vraies finances pratiques. Donc énormément de gens ont appris sur le tas. Mais maintenant qu’il y a la crise, mais aussi parce que les gens veulent se valoriser, on accorde plus d’importance aux diplômes. Notre cible ne sont pas les gens qui veulent se reconvertir mais ceux qui veulent valoriser leur passé professionnel. »

On dit que les systèmes universitaires, que ce soit en France ou en République tchèque, sont en crise. Quelle est votre opinion à ce sujet ?

« Il faut déterminer ce que veut dire le mot crise. Mais quelque part, je suis d’accord. Il y a un problème philosophique de base. Est-ce qu’un enseignement universitaire doit être universel, c’est-à-dire qu’il doit avoir une valeur 30 ans après que la personne ait terminé ses études ? Dans certains domaines, cela doit être le cas. Ça doit être tellement général et d’une telle abstraction, que 30 ans après, les gens ont encore une certaine base. Mais lorsque l’on parle d’une formation orientée plutôt vers les affaires, nous avons un tout autre modèle. Et là, je crois que l’on peut parler d’une certaine crise, c’est-à-dire qu’il y a un gouffre entre ce qui est enseigné et les besoins des sociétés. »

Vous allez commencer vos enseignements à la rentrée, en septembre 2009. Nous sommes actuellement dans un contexte de crise économique. Les enseignements vont-ils être tournés vers cette problématique de la crise économique et financière internationale ?

« Pas en tant que telle. La crise a de telles raisons d’exister, et ces raisons sont tellement diverses, que l’on ne peut pas dire qu’il y a un problème. Les problèmes sont multiples. Dans les finances, on peut pointer quelques problèmes, comme les ‘toxic assets’, dans la logistique on pourrait parler par exemple d’inefficacité, dans les ressources humaines, on peut se demander si on a vraiment valorisé le personnel au maximum. Le terme ‘crise économique’ en tant que tel n’est pas un sujet. Il faut le couper en petits morceaux pour voir ce que l’on peut faire de mieux pour éviter que cela se produise une prochaine fois. »