Chronique de l'actualité économique tchèque

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Augmentation de la TVA : un taux réduit parmi les plus élevés en Europe. Faible intérêt pour le deuxième pilier du système de retraite. Les retraités actifs refusent de perdre leur exonération d’impôt.

Augmentation de la TVA : un taux réduit parmi les plus élevés en Europe

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83 couronnes, soit environ 3,30 euros : c’est en moyenne ce que les Tchèques devraient payer en plus chaque mois du fait de l’augmentation des deux taux de TVA d’un point qui a pris effet au 1er janvier. Le taux réduit est désormais de 15% tandis que le taux normal s’élève à 21%. Les fournisseurs d’électricité ont été parmi les premiers à répercuter cette hausse sur leurs tarifs tout comme les systèmes de transports en commun (alors que ceux-ci deviennent gratuits à Tallinn en Estonie…). Pour beaucoup de commerçants, les nouveaux taux de TVA ont surtout été synonymes de travail supplémentaire et d’une certaine confusion. Beaucoup d’épiceries n’ont ainsi pas encore modifié les prix de leurs articles, une « décision tactique » selon le président de l’Union tchèque du commerce et du tourisme Pavel Juračka.

Mais cette hausse sera finalement répercutée dans les semaines à venir, une hausse dont vont à nouveau souffrir les ménages les plus pauvres dans un pays où le taux réduit de TVA, qui s’applique en général aux biens de première nécessité ou aux services ayant une fonction sociale, compte parmi les plus élevés en Europe (seule la Hongrie dispose d’un taux de TVA supérieur, à 18%, et encore il s’agit d’un taux intermédiaire). C’est ce que remarque Pavel Klein, spécialiste des taxes et impôts au sein de la société de conseils Mazars :

« Je vois surtout un problème avec le taux réduit de TVA, qui, comme on le sait, est passé de 14 à 15%. Tout d’abord, nous avons la plus forte croissance en ce qui concerne les taxes des pays de l’Union européenne : le taux réduit avait déjà augmenté de quatre points en 2007 puis à nouveau de deux points en 2009. Mais j’aperçois un problème plus important qui est lié à l’ajustement des prix des biens et des services qui remplissent des fonctions culturelles, sociales et sanitaires. Et on peut se poser des questions quand on observe les pays voisins en Europe centrale où le taux réduit de TVA est compris entre 5 et 10%. »

L’inflation continue en 2012, liée notamment à la précédente hausse de TVA, doit se poursuivre cette année. Les prix du gaz et des carburants sont également concernés alors que ces derniers sont déjà parmi les plus taxés d’Europe. A noter que les nouveaux taux de TVA devraient rester en vigueur durant trois années avant qu’un taux unique à 17,5% ne s’applique à partir de 2016.

Faible intérêt pour le deuxième pilier du système de retraite

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Seuls 7% des Tchèques envisagent de cotiser auprès de fonds de pension privés comme ils peuvent désormais le faire depuis le 2 janvier dernier et la mise en application du deuxième pilier des retraites, qui vient s’ajouter au système par répartition. Cette privatisation partielle des retraites a été très critiquée par l’opposition de gauche et par de multiples associations. Marek Ostravy a expliqué à la Radio tchèque pourquoi il ne compte pas cotiser auprès d’un fonds de pension :

« Je ne vais pas m’engager au sein de ce second pilier et je n’y contribuerai d’aucune manière parce qu’il peut se passer n’importe quoi. Une quelconque crise financière et cela peut finir comme chez les Hongrois. Personnellement, je donne ma préférence aux fonds dont l’Etat possède au moins des parts. »

Cependant, Marek Ostravy n’a pas encore 35 ans et à cet égard il peut encore changer d’avis et profiter de ce second pilier. Les personnes âgées de plus de 35 ans doivent quant à elles se décider avant la fin du mois de juin prochain. Et si elles s’inscrivent auprès du nouveau système, elles doivent savoir qu’elles ne pourront pas revenir à l’ancien. Selon les spécialistes, ce sont surtout les hommes de 20 à 30 ans disposant de revenus confortables qui pourraient être intéressés par ce nouveau système. Pour souscrire auprès de fonds de pension privés, les personnes intéressées doivent transférer 3 % de leur assurance sociale sur ces fonds privés et cotiser au moins deux points supplémentaires de leur propre poche.

Le Premier ministre, Petr Necas, justifie cette nouveauté par le vieillissement de la population qui rendrait nécessaire, selon lui, de réformer le système de retraite par répartition :

« Si, à l’heure actuelle, il y a 1,8 actif pour un retraité, en 2050 ce chiffre sera tombé à 1,2. Le système de pension doit donc être transformé. Et il ne s’agit pas simplement de modifier quelques paramètres du système de retraire existant. »

L’opposition ne conteste pas la nécessité de revoir le système de retraite, mais refuse que cette transformation se fasse sous la forme d’une privatisation. On écoute Bohuslav Sobotka, le chef de la social-démocratie :

« Il y a aujourd’hui une tendance à un recul du transfert des fonds financiers vers ce genre de second pilier des retraites. Tous les pays ayant introduit un tel système essaient désormais désespérément d’en sortir. Pourquoi prenons-nous cette direction en matière de retraite alors que la plupart des pays ont découvert qu’elle ne menait nulle part ? »

En conséquence de quoi, le parti social-démocrate a annoncé qu’il reviendrait sur cette mesure s’il revenait au pouvoir.

Les retraités actifs refusent de perdre leur exonération d’impôt

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80 000 retraités exercent encore une activité professionnelle en République tchèque. Un chiffre qui pourrait bien diminuer alors que les incitations fiscales à ce travail ont disparu en ce début d’année, une mesure introduite par le fameux « texte de stabilisation financière » laborieusement adopté l’an passé. Mais la rédaction de la loi semble laisser à désirer et nombreux sont ceux à vouloir la contourner. Pour ne pas perdre cette ristourne fiscale qui peut aller jusqu’à 24 840 couronnes par an (environ 950 euros), de nombreux « retraités actifs » (pracující důchodci en tchèque) ont donc demandé la suspension du versement de leur pension au 1er janvier 2013. Ils sont déjà 27 500 à avoir réalisé cette opération. Parmi eux, Jaroslav Trnka :

« Il est nécessaire de suspendre les pensions au 1er janvier et finalement de les percevoir à nouveau à partir du 2 janvier. Je ne veux en aucun cas laisser inutilement de l’argent aux mains de monsieur Kalousek. »

Le ministre des Finances appréciera. Quoi qu’il en soit, ce tour de passe-passe devrait permettre aux retraités actifs de continuer à bénéficier de l’exonération fiscale, car la loi stipule que les personnes qui ne touchent pas de pension au 1er janvier 2013 peuvent en profiter. Ainsi à Prague, vendredi dernier, environ six cents personnes ont demandé la suspension du versement de leur pension, mais seulement pour un jour : le jour de l’An.

Papy fait donc de la résistance mais les services des impôts pourraient bien contre-attaquer. Ils souhaitent en effet intensifier les contrôles et durement sanctionner les contrevenants.