Viktor Ullmann, symbole de la résistance contre le nazisme

Viktor Ullmann, photo: Martina Schneibergová

Par milliers ont été les artistes emprisonnés dans le camp de transit de Terezín au nord de la Bohême pendant la Deuxième Guerre mondiale. Des centaines d’entre eux ont notamment été des musiciens et compositeurs qui ont alors formé dans ce ghetto, composé essentiellement de Juifs, un cœur culturel non négligeable, et contribuèrent ainsi à la naissance d’une activité artistique intense. L’un d’entre eux, le compositeur et pianiste Viktor Ullmann, a lui aussi été acheminé vers ce camp. A l’occasion des prochaines commémorations du 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous allons nous rappeler d’un fragment de son œuvre, qui a été en partie composée en captivité, dans les enceintes du ghetto juif.

Viktor Ullmann, un des plus importants compositeurs de la première moitié du XXe siècle

Viktor Ullmann,  photo: Martina Schneibergová
Né le 1er janvier 1898 à Téšín, ville de l’actuelle frontière tchéco-polonaise, en Silésie, Viktor Ullmann commence à étudier la composition sous la direction d’Arnold Schönberg à Vienne entre 1918 et 1919. C’est ce dernier qui le recommande à Alexander Zemlinsky du Nouveau Théâtre Allemand de Prague, où il deviendra alors chef d’orchestre dans les dix années suivantes. Artiste aux talents multiples, Viktor Ullmann devient également pour une saison le directeur de l’opéra d’Ústí nad Labem. Il intègre par la suite entre 1929 et 1931, en tant que compositeur et chef d’orchestre, le « Schauspielhaus » de Zurich. Après avoir passé quelques années à Stuttgart, il suit des cours de composition d’Alois Hába dans le domaine de la musique microtonale au conservatoire de Prague. En 1935, Viktor Ullmann écrit son premier opéra « La Chute de l’Antéchrist » (« Der Sturz des Antichrist »), pour lequel il obtiendra un an plus tard le Prix Hertzka, récompensant les opéras. Toutefois les discriminations continuelles de la population juive, le forcent à cesser son activité musicale devant le grand public. Il se retire alors pour donner des concerts en privé.

Le 8 septembre 1942, Viktor Ullmann et sa femme sont déportés à Terezín. Le Troisième Quatuor à cordes, en quatre mouvements, que nous écoutons dans ce dimanche musical, y a été achevé au mois de janvier 1943 et interprété sans interruptions au pupitre par le compositeur.

Viktor Ullmann poursuit sa création artistique au ghetto de Terezín

Photo: Martina Schneibergová
Avant sa déportation, Viktor Ullmann avait composé près d’une quarantaine d’œuvres orchestrales, de sonates pour piano, de musiques de chambre ainsi que deux opéras.

Aux côtés d’un autre compositeur, Gideon Klein, né lui dans la ville de Přerov, Viktor Ullmann, participe activement à la vie culturelle de Terezín, dans le cadre de la prétendue « Organisation des loisirs », et ce toujours en tant que compositeur, chef d’orchestre, pianiste, pédagogue et critique musical. Il crée le Studio pour la musique nouvelle, et compose des chœurs, des chants, des quatuors à cordes, trois sonates pour piano, ainsi que l’opéra « L’Empereur de l’Atlantide ou le refus de mourir », devenu alors une œuvre symbolique de la destruction de plusieurs générations d’artistes juifs. En 1943, Viktor Ullmann compose notamment à Terezín la Sonate pour piano n°6, que nous écoutons dans ce dimanche musical.

Le 16 octobre 1944, Viktor Ullmann est transféré avec sa femme directement vers les chambres à gaz d’Auschwitz. L’un des plus importants compositeurs de la première moitié du XXe siècle y trouve la mort deux jours plus tard. Ayant peut-être pressenti avant son départ de Terezin, ce qui l’attendait, Viktor Ullmann, confie ses compositions et ses écrits à un ami, qui les conserva ; un acte de prouesse et de résistance sachant que la plus grande partie de ses œuvres avaient disparu pendant l’occupation allemande.

Une exposition rendant hommage à l’œuvre de Viktor Ullmann est ouverte au grand public au palais Clam-Gallas à Prague jusqu’au 31 mai prochain.