Jan Dismas Zelenka, un génie solitaire

Jan Dismas Zelenka

Une partie importante de l’œuvre de Jan Dismas Zelenka, un musicien tchèque établi à Dresde, reste encore à découvrir. Les compositions de ce maître baroque démontrent qu’il s’agissait d’un des plus grands compositeurs de son temps et qu’il peut être comparé, grâce à la richesse de son inspiration et à la rigueur de son style même au grand Jean Sebastian Bach.

Jan Dismas Zelenka
Vers la moitié du XVIIème siècle, la musique instrumentale dans les pays de la couronne tchèque atteint un niveau sans précédent. Les grands seigneurs fondent, dans leurs châteaux, des orchestres et payent la formation musicale de leurs sujets talentueux. Les influences allemande et italienne s'unissent harmonieusement avec l'invention proprement tchèque des exécutants d'origine populaire et se manifestent dans les œuvres profanes et dans la musique sacrée et profane. Parmi les compositeurs tchèques de cette période, se distingue Pavel Josef Vejvanovský, auteur de ballets, de danses et de sérénades pour orchestre à cordes et instruments à vent. Vers la fin du siècle, la musique tchèque est caractérisée par un mélange de polyphonie et d'homophonie. Parmi les musiciens de cette période, on remarque Josef Leopold Dukát, Šimon Brixi et avant tout Jan Dismas Zelenka. Cet élève des Jésuites à l’Académie du Clémentinum à Prague, né en 1679, quitte son pays, en 1710, pour s'établir à Dresde où il restera jusqu'à la fin de sa vie. C’est pour une production à l’Académie du Clémentinum à Prague qu’il écrira un grand oratorio solennel intitulé "Sub olea pacis et palma virtutis - Sous l'olivier de la paix et le palmier de la vertu" portant le sous titre de « Melodrama de Sancto Wenceslao – Mélodrame de saint Venceslas.

Jan Dismas Zelenka met en musique le texte latin de l’oratorio « Sub olea pacis et palma virtutis » sur commande pour le sacre de Charles VI qui se fait couronner en 1723 roi de Bohême. Ce mélodrame où le nom de Jan Dismas Zelenka ne figure que sur la liste des interprètes, fait alterner airs, récitatifs et chœurs, et pourrait être considéré, selon le musicologue Guy Erismann, comme le premier opéra tchèque.

Au seuil du XXIe siècle, plusieurs orchestres réunis sous la direction du chef tchèque Marek Štryncl réalisent un enregistrement de l’oratorio « Sous l'olivier de la paix et le palmier de la vertu ». L’album est primé en 2002 à la foire MIDEM de Cannes.

Le musicologue Guy Erismann constate que le temps avait occulté jusqu’à une époque récente les œuvres de Jan Dismas Zelenka destinées à l’orchestre de Dresde, l’un des tout premiers, sinon le premier d’Europe où Zelenka a occupé pendant presque toute sa vie le pupitre de contrebassiste quand il ne le dirigeait pas.

« Ce que l’on connaît aujourd’hui, écrit Guy Erismann dans son livre La musique dans les pays tchèques, présente un intérêt de premier plan et témoigne d’une richesse d’invention et d’un engagement qui tranchent sur le paysage instrumental de l’époque. Les Six Sonates en trio, les Cinq Capriccio, le Concerto à huit Concertanti ou l’Ouverture à sept Concertanti, Hypocondrie à sept Concertanti conjuguent influences italiennes et françaises, témoignant particulièrement dans les ouverture d’un style brillant et aéré qui ne manque pas de surprendre de la part de ce solitaire misanthrope. »

L'ouverture Hypochondria ou Ipocondria est devenue une des œuvres les plus célèbre de son auteur. Les influences que Jan Dismas Zelenka subit au cours de sa vie sont multiples et variées. Il fait des voyages à Venise et à Vienne, prend des leçons chez les compositeurs Lotti et Fux, mais saura toujours donner à sa musique un style particulier. Ses œuvres sont considérées par ses contemporains comme trop sobres et sévères, et la cour de Dresde lui préfère d'autres compositeurs. Mais il jouit de l'estime des grands maîtres, comme Bach et Télémann. Il laissera à la postérité de nombreuses compositions dont 20 messes, 3 requiems et plusieurs oratorios, ainsi que des suites instrumentales très appréciées. Son art de la polyphonie est basé sur les mêmes principes que celui de Jean Sebastian Bach.

Aujourd’hui les œuvres de Jan Dismas Zelenka reviennent de plus en plus souvent dans les salles de concert et dans le répertoire des orchestres qui se spécialisent dans l’interprétation authentique de la musique baroque. Ses œuvres vocales figurent aussi dans le répertoire du contre-ténor français Philippe Jaroussky qui a déclaré en août 2008 au micro de Radio Prague :

« Je trouve que ce qui caractérise la musique de Zelenka, c’est effectivement sa grande rigueur de l’écriture, sa capacité d’écrire d’une façon très riche en polyphonie. Mais j’ai été très surpris par le côté très italien que j’entends assez souvent dans sa musique. Il y a même un air qui me fait penser énormément à Vivaldi. En tout cas ce n’est pas un petit génie. C’est quelqu’un qui a été très très longtemps musicien avant d’être compositeur, qui a été en contact avec beaucoup de musique, et qui, après, s’est mis à écrire. Et cela donne effectivement une maturité à son œuvre qui est assez incroyable.»

Pour finir notre petit portrait de Jan Dismas Zelenka revenons encore à Guy Erismann et à son livre « La musique dans les pays tchèques ». Le musicologue réserve à Jan Dismas Zelenka un chapitre important. Voilà comment il résume l’œuvre de ce musicien solitaire :

« Celui que l’on considère comme le plus grand des baroques tchèques (encore que les traces nationales soient à peine discernables) est un musicien qui résume les marques du temps, une mélodicité italienne fondue dans la lyrique tchèque, une tendance à l’européanisation comme l’indiquent ses Capricci en forme de suite et les fastes convenus de la catholicité. »


Rediffusion du 10/07/2011