La peintre Sandra Jirovcova : "J'aime ce mélange du naïf, de l'humour et du violent qui fait l'âme slave"

Sandra Jirovcova

"Ce que je crois, c'est que chacun peut dessiner. Pour atteindre le fusain, le pinceau, le doigt... quoi que ce soit, il faut souvent débloquer des pensées mauvaises et enfantines avec lesquelles ont nous a imprégnés, du genre 'tu ne sais pas dessiner' etc., et par la relaxation arriver le plus spontanément vers le papier, vers l'oeuvre..." On l'appelle Sandra Jirovcova ou Sandra Jirovec... Elle est peintre et à partir de cette semaine, elle expose, avec ses collègues tchèques, français et roumains, à Prague, dans les locaux de la Chambre des députés, rue Snemovni. Sandra Jirovcova est née à Paris, mais tout comme ses parents tchèques, les exilés de 1968, elle a les pieds dans les deux pays.

"Pendant une dizaine d'années, ils n'ont pas pu remettre le pied dans leur pays d'origine. Moi, je pouvais, parce que j'avais le passeport français. Donc je faisais le lien entre mes grand-parents et mes parents. Mes parents étaient un peu angoissés à chaque fois que je partais. Ils avaient peu de ne plus me revoir. Mais moi, j'étais très heureuse. Je n'étais pas adulte à l'époque communiste, donc pour moi, c'était surtout le pays de mes grands-parents, "babicka" et "dedecek". Le sentiment que j'ai maintenant c'est que depuis 1989, les choses, les mentalités ont beaucoup évoluées. Je suis plutôt optimiste, alors que j'ai l'impression qu'ici, les gens ne le sont pas beaucoup. J'ai choisi de vivre ici, parce que c'est mon deuxième pays, parce que j'ai la possibilité d'exposer ici, parce que j'ai envie de découvrir le pays de mes aïeux. Je vis à Podebrady, c'est la ville d'origine de mes parents, une ville charmante, une cure thermale. Avec son ambiance 'retro', elle me fait souvent penser à Kundera..."

Diplômée de l'Université de la Sorbonne en anglais, Sandra fait ses débuts artistiques en 1991, à Prague. Après avoir effectué un stage à l'atelier de Jiri Sopko, à l'Ecole des Beaux-Arts de Prague, elle continue de se former à Paris. On connaît d'elle surtout des portraits, ou encore une série de tableaux, mettant en scène des chiens de combat - une sorte d'interrogation sur les rapports entre l'homme et l'animal.

"Mon thème principal, c'est autour de l'humain. Pour moi, il est essentiel, et surtout aujourd'hui, de remettre le point sur l'homme... Je pense que souvent mes oeuvres donnent une impression d'agressivité ou de violence, déjà le thème du chien de combat, mais pour moi, ce n'est pas le cas et quand je peins, je ris beaucoup !"

Sandra Jirovcova a encore une autre activité : elle donne des cours de dessin et de peinture aux étudiants de la Faculté des Sciences humaines de l'Université Charles.

"Comme c'est souvent des étudiants en philosophie, anthropologie, ethnologie et histoire, je pense que ça leur apporte de nouvelles interrogations sur le regard qu'on porte sur soi et sur l'autre, notamment quand on crée. Je pense que quand on crée, on se trouve dans un autre espace et dans un autre espace-temps. Donc il faut se préparer un peu mentalement pour ça, aider les étudiants vers ce moment-là.

Quelles sont les personnalités artistiques tchèques qui vous inspirent ?

"C'est surtout dans le cinéma. Je pense aux gens que j'ai connu personnellement, grâce à mes parents, et dont les visages rayonnent pour moi. J'ai eu la chance de faire leurs portraits. C'est par exemple Ivana Chylkova, actrice à une beauté spéciale, un peu à la française, ou la chanteuse Marta Kubisova, la 'Brigitte Bardot tchèque' qui s'occupe aussi d'animaux... Sinon, mon lien avec l'art tchèque, il est situé plutôt dans le passé, dans des images de tableaux que j'ai de l'enfance, dans la tradition du film animé tchèque : Trnka, Lada... Quelque chose entre le naïf, l'humour et le violent, ce qui, je pense, fait l'âme slave..."

Vous trouverez les tableaux de Sandra Jirovcova également sur le site web www.actualart.com (Galerie Mediart).

Auteur: Magdalena Segertová
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