L’« émo-jazz » du groupe Vertigo Quintet

Vertigo Quintet, photo: www.vertigoquintet.com

Vertigo Quintet est une formation de cinq jeunes musiciens de jazz bourrés de talents. Ils en sont déjà à leur 3ème album et ils sont désormais accompagnés par une jeune chanteuse, Dorota Barová. Nous avons rencontré Vojtěch Prochazka, le jeune pianiste francophone du groupe.

C’est dans les caves du club de jazz pragois U Malého Glena que les premiers membres du groupe, le pianiste Vojtěch Procházka, le batteur Daniel Šoltis et le saxophoniste Marcel Bárta se sont rencontrés pendant les fameux « bœufs » du dimanche soir. Ils ont alors compris qu’ils avaient envie de jouer ensemble. Le contrebassiste Rastislav Uhrík et le trompettiste Oskar Török se sont rapidement joints au groupe. La biographie de chacun des musiciens est déjà impressionnante, alors que la plupart d’entre eux n’ont pas encore fêté leur trentième anniversaire : collaborations avec Pavel Fajt pour le trompettiste, participation au festival de jazz de Montreux avec le groupe Open Sextet pour le contrebassiste et le batteur, ou encore des études au collège Berklee de Boston pour le saxophoniste, et au conservatoire national supérieur de musique à Paris pour Vojtěch Procházka, le pianiste.

La musique de Vertigo est difficile à classer, entre « modern jazz », « free jazz » et « drum&bass ». Vojtěch Procházka explique comment le groupe travaille :

« Avec Vertigo, tout le monde écrit. Ce n’est pas une seule personne qui écrit dans un style mais tout le monde amène des morceaux et chaque morceau a son esprit, son atmosphère spéciale. Il y a des morceaux qui sont plutôt plus traditionnels, je veux dire dans le domaine du jazz moderne. Mais il y a des morceaux qui sont vraiment différents, plutôt dans le domaine expérimental. C’est un mélange. Pour la blague on dit qu’on joue du « émo-jazz », parce que c’est peut-être la chose qui nous unie, les émotions. »

Vertigo quintet n’est plus tout à fait un quintet puisque la voix de Dorota Barová est venue s’ajouter aux compositions du groupe et la jeune chanteuse est devenue un de ses membres à part entière. C’est un vrai groupe centre-européen avec trois de ses membres slovaques et deux musiciens qui poursuivent actuellement leurs études en Pologne. Vojtěch Procházka a quant à lui passé ces deux dernières à Paris. Il commente son expérience de musicien et les différences qu’il a pu trouver entre les scènes jazz françaises et tchèques :

« Il y a beaucoup plus de diversité dans la scène française, beaucoup plus de mélange des styles, beaucoup plus de traditions. C’est un monde plus grand.

Est-ce que vous avez rencontré des jazzmen français, est-ce que vous avez fait des projets avec eux ?

« Oui, un peu, mais pas assez. J’ai rencontré des super musiciens mais notamment dans le domaine très expérimental comme la pianiste Eve Risser, qui était peut-être la personne qui m’a intéressé le plus parmi les gens que j’ai rencontrés. »

Les musiciens disent qu’à Paris il y a beaucoup plus de monde mais qu’il est aussi plus difficile de jouer. Est-ce que c’est votre sentiment ?

« Oui et non, c’est aussi difficile à dire parce que la question de pouvoir jouer, c’est être dans la scène, être présent, rencontrer des gens. Je crois que ça marche à peu près pareil partout dans le monde. Si on cherche, on peut trouver et à Paris il y a beaucoup plus de possibilités de jouer. Il y a d’autres moyens de trouver des endroits pour jouer. Les gens sont beaucoup plus organisés. Ils louent un théâtre ou une salle et ils se mettent ensemble, ils payent ensemble puis ils partagent ce qu’ils gagnent, ce qui n’est pas le cas malheureusement ici où il y a une scène officielle des boîtes de jazz qui marche assez mal mais c’est le seul moyen donc ici il faut commencer à chercher d’autres moyens. »

Qu’est-ce qui ne fonctionne pas ?

« Se mettre ensemble, organiser quelque chose nous-mêmes, se dire qu’on va organiser un concert, on va louer la salle, on va faire toute l’organisation nous-mêmes. Ici les musiciens ne sont que des musiciens. Ils ne savent pas très bien s’organiser ou ils savent très bien marcher dans le système qui existe. C’est un peu l’héritage communiste. Les gens acceptent le système tel qu’il est et ils essaient de trouver leur chemin dans le système. Ils ne cherchent pas ailleurs. »

En République tchèque, le groupe Vertigo a déjà joué dans la plupart des clubs de jazz pragois. Ils ont aussi participé au festival Jazzycolours organisé par le Centre tchèque de Paris. Surtout, ils étaient dernièrement à l’affiche de l’évènement « Jazz au Rudolfinum » qui s’est tenu le 8 octobre dernier. A cette occasion, les meilleurs groupes de jazz tchèque ont été sélectionné pour se produire dans la prestigieuse salle de concert habituellement réservée à la musique classique. Ils aimeraient également jouer plus souvent dans les pays alentours, notamment en Pologne où la scène jazz est assez dynamique. Vojta Procházka :

« Avec la Pologne, j’espère que la situation va encore s’améliorer parce que Daniel, Oskar et Rastislav étudient à Katowice. Ils vont donc surement rencontrer des gens, chercher des contacts. On y va déjà un peu mais en plus, avec Dorka qui est moitié polonaise, on espère trouver encore plus de boulot là-bas. »