Ida Kelarova : chanter pour vivre...

Ida Kelarova (Photo : Svandovo divadlo)

Aujourd'hui, Culture sans frontières vibrera aux sons de la musique rom et des Balkans. La semaine écoulée s'est tenu, au théâtre Svandovo divadlo, à Prague-Smichov, un mini-festival européen des musiques du monde. Ida Kelarova, une des meilleures interprètes tchèques des chansons rom et fondatrice de l'Ecole internationale de la voix humaine s'y est produite avec son groupe Romano Rat (Le sang rom) et le choeur Apsora, composé de ses élèves...

"J'ai quitté l'ancienne Tchécoslovaquie en 1983, pour une raison simple : je suis tombée amoureuse d'un Anglais. C'était un amour fou, j'ai tout laissé tomber pour lui... D'un jour à l'autre, je suis partie d'un pays socialiste vivre dans un pays capitaliste, ma vie a complètement changé, je ne savais absolument pas ce qui allait m'attendre. Au début, tout était romantique, nous avons habité au pays de Galles, près de la mer, il y avait des prés et des brebis et je pensais que j'étais heureuse. Mais, au fur et à mesure que j'apprenais la langue, je m'apercevais que les gens là-bas étaient froids, refermés sur eux-mêmes. Pour moi, qui a grandi dans une famille rom, chaleureuse et ouverte, c'était un martyre. Ensuite, nous sommes allés vivre au Danemark et enfin en Norvège, où ça allait mieux, parce que j'ai eu, grâce à mes amis, la possibilité de faire, pendant un an, une tournée dans le nord du pays, de chanter, et aussi de donner des cours de chant tzigane, même dans des petits villages perdus... Ce contact avec les gens à travers la musique m'a énormément plu, et j'ai compris que c'était ce que je voulais faire dans ma vie. Depuis, je voyage et je poursuis ce chemin."

Un concert ? Non, plutôt une fête, une explosion de joie sur la scène et dans la salle, car Ida Kelarova a ce don de mettre tout de suite le public dans l'ambiance, de lui donner envie de chanter, bouger, danser... Depuis les années 1990, elle est de nouveau basée en République tchèque, plus précisément dans les hauteurs tchéco-moraves, à Bystre u Policky. Dans plusieurs endroits de cette charmante région, Ida Kelarova, son second mari, le chanteur, guitariste et compositeur Desiderius Duzda, leur famille et leurs amis musiciens organisent des ateliers de chant, ouverts à tout le monde : aux professionnels et amateurs, adultes et enfants, Roms et non-Roms, aux Tchèques et aussi aux étrangers - certains workshops sont animés en anglais et ont lieu dans différents pays d'Europe.

"Je ne crois pas que les émotions sont une faiblesse de l'homme. Au contraire, je suis persuadée qu'elles sont sa plus grande force," explique la chanteuse sur ses pages web en tchèque et en anglais, www.kelarova.com, où vous trouverez d'ailleurs tous les renseignements sur ses concerts et ateliers. Chanter veut dire, pour elle, donner libre cours aux émotions que nous avons l'habitude de réprimer.

"Il suffit de retrouver ce que j'appelle 'la vraie voix', celle qui est enfouie quelque part en nous. C'est une sorte de thérapie, si vous voulez, mais je ne me considère pas comme une thérapeute. J'essaie simplement de pousser les gens à être créatifs. Je pense que chaque homme est artiste, que nous sommes nés pour créer. Sauf qu'il ne s'agit pas de chanter merveilleusement, mais de chanter vrai."

"Je dis toujours que je n'apprends pas aux gens à chanter. Je leur apprends à avoir confiance en eux-mêmes, car chacun, et j'en suis persuadée, peut bien chanter. Il arrive, évidemment, que les deux ou trois premiers jours des ateliers, certains participants ont des difficultés, chantent faux... Mais on n'est pas pressé, on explique certaines choses, on attend... L'important est de savoir qu'on peut faire ce qu'on veut, même chanter faux, pleurer en chantant, tout ça est normal... Et puis, tout d'un coup, au bout de trois ou huit jours, le chant s'améliore. Il ne m'est jamais arrivé, au cours de ces 20 ans, d'avoir en classe quelqu'un qui termine le workshop en disant : 'je ne sais pas chanter".

Ida Kelarova est, actuellement, en tournée en République tchèque et en Slovaquie, avec Romano Rat et Apsora. Jusqu'à la fin de l'année, ils seront en concerts à Domazlice, Rokycany, Olomouc et Prague.

Auteur: Magdalena Segertová
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