« Best of Karlovy Vary 2008 »

KVIFF 2008, photo: Štěpánka Budková
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Le 3 juillet prochain sera donné le coup d’envoi du 44e festival du film de Karlovy Vary. Rendez-vous très attendu des professionnels, Karlovy Vary y va de son lot de stars, strass et paillettes, mais reste un festival ouvert au grand public qui s’y rend chaque année en nombre, avec tentes et sac à dos pour les plus jeunes. Antonio Banderas, Isabelle Huppert, Patrice Chéreau, John Malkovitch sont quelques uns des grands noms qu’on pourra voir cette année dans la ville thermale de Bohême de l’Ouest. Avant de nous donner rendez-vous à Karlovy Vary, je vous propose un récapitulatif des meilleurs moments de l’édition 2008.

L’an dernier parmi les invités, il y avait le réalisateur et acteur français, Sam Karmann, auteur du film La vérité ou presque, en compétition officielle à Karlovy Vary. Il était présent, ainsi que son épouse Catherine Olson, qui interprète dans ce film, une chanteuse de jazz imaginaire Pauline Anderton.

Sam Karmann, La vérité ou presque est tiré d’un roman américain.Comment passe-t-on d’un roman américain à un film français ?

« Très simplement en fait... C’est drôle : c’est une question qui revient souvent. Quand j’ai lu le roman américain, je me suis dit : ces personnages-là ne sont pas plus américains que français, espagnols ou tchèques. Je les connais parfaitement ces personnages : c’est juste moi, des gens que je connais, c’est un miroir absolu, indépendamment du creuset culturel. Il a donc fallu que je respecte la trame du bouquin. L’important, c’est que c’était un intellectuel, un biographe qui vivait à New York que ça arrangeait bien de foutre le camp un peu, par rapport à sa vie privée, homosexuelle. Il partait vers Boston, où il y avait une femme qui travaillait dans une télé locale, qui est en perte de vitesse dans son travail et dans sa vie. Ces deux personnages vont se rencontrer. Il fallait que je retrouve les lieux en France. Le type allait quitter Paris, je me posais la question de la deuxième ville et je connaissais pas mal Lyon. Je me suis dit que c’était formidable : c’est un peu la distance entre Boston et New York. Et son architecture me permettait de mettre en scène le secret : comme le film parle de mensonge et de secret, Lyon était parfaite avec ses fameuses traboules où l’on peut se perdre. »

Les traboules, c’est ce qu’on découvre dans le film, ce sont ces passages dans Lyon. D’ailleurs on m’a souvent dit que Lyon ressemblait un peu à Prague ou inversement, à cause de ces ruelles entre les maisons...

« Cluzet fait son petit cours d’histoire même s’il y a un autre enjeu dans la scène que l’histoire : il explique comment ces traboules ont sauvé depuis les habitants depuis les Romains. Parce que les envahisseurs ne savaient pas comment retrouver les gens, on pouvait s’y perdre... »

Est-ce que vous avez rencontré l’auteur du livre ?

« Bien sûr, non seulement je l’ai rencontré, mais je peux dire que c’est devenu un ami... Stephen McCauley est un type extraordinaire ! »

Que vous a-t-il dit ? Que vous aviez les mains libres ?

« Oui, et il n’a pas cessé d’être très encourageant et de me dire dès le début : ‘j’ai eu le plaisir de faire mon livre, c’est mon livre, maintenant, il faut que ce soit le meilleur film possible et quoique tu fasses tu ne pourras jamais me trahir puisque c’est autre chose’. Les règles d’un film ne sont pas celles d’un livre. Et il aime vraiment le résultat, il me l’a dit. Je sais qu’il est sincère : il est venu pour la sortie du film en France. Il est très enthousiaste. »

Avant d’être réalisateur vous êtes acteur...

« ... c’est-à-dire qu’on dit toujours ‘avant d’être metteur en scène, vous êtes acteur’, oui, et je le suis toujours, j’alterne vraiment mon travail d’acteur et de metteur en scène, c’est important. »

En quoi est-ce important ? Comment conjuguez-vous les deux casquettes et notamment dans ce film où vous êtes devant et derrière la caméra ?

« Ce n’est pas très compliqué de jouer dans son propre film à condition que le rôle ne soit pas de tous les plans. Mais je me suis arrêté à un personnage secondaire, je n’aurais pas pu un personnage principal. Mais je veux répondre dans deux directions : rares sont les metteurs en scène qui vous dirigent, donc moi comme acteur quand je travaille pour les autres metteurs en scène, je joue, et je me débrouille tout seul. J’ai rencontré des gens qui, parce qu’ils m’avaient choisi, avaient déjà fait le travail : beaucoup de metteurs en scène disent cela, qu’une fois qu’ils ont choisi leurs acteurs, le travail est fait. Et pourquoi j’alterne ? Tout simplement parce que jouer est pour moi de l’ordre du plaisir. La vie d’un acteur est très légère ! La vie d’un metteur en scène c’est énormément de travail. Je suis donc un fou de travail, mais j’aime aussi ces périodes apaisées où je peux jouer et être plus insouciant. »


Autre film français présenté en 2008, Le tueur, de Cédric Anger, sélectionné dans la catégorie du Variety Critic’s Choice... Le comédien Grégoire Colin, qui incarne le tueur qui doit assassiner le personnage joué par Gilbert Melki, était présent, mais ce n’était pas la 1ere fois qu’il venait au festival.

« Je suis venu il y a trois ans pour le film de Raoul Ruiz, le domaine perdu. J’ai découvert le festival de Karlovy Vary que je ne connaissais que de nom. C’est donc ma deuxième fois ici, j’espère qu’il y en aura beaucoup d’autres... J’aime beaucoup ce festival... »

Qu’a-t-il de différent par rapport aux autres auxquels vous avez pu participer ?

'Le Tueur'
« C’est l’ambiance, le cadre, la ville... On y est entouré de forêts. Je connais très mal l’Europe centrale et la République tchèque. Je n’ai pas eu l’occasion de venir travailler ici, alors que j’ai beaucoup de mes confrères qui viennent tourner dans le pays. Du coup, je suis fasciné par ce que je ne connais pas ici... » Le film Le tueur, de Cédric Anger, a été sélectionné dans la catégorie du Variety Critic’s Choice, le choix de la critique du magazine américain Variety. C’est important que ce soit un choix de ce magazine ?

« Oui, c’est un magazine formidable, et aujourd’hui ils ont aussi un site Internet très bon... »

Le réalisateur du film, Cédric Anger, a dit dans une interview qu’il avait écrit le rôle du Tueur pour vous. C’est plutôt flatteur pour un comédien d’avoir un rôle écrit et cousu sur mesure pour soi...

« J’ai l’habitude d’être souvent au tout début du développement des films, parfois même avant qu’ils ne soient écrits. Cédric m’avait contacté d’abord pour son tout premier film, un moyen métrage, mais tout en me parlant d’autres projets... On a eu très tôt un dialogue autour d’un personnage et d’une envie d’écrire. J’ai eu la chance de lire les toutes premières versions, et de suivre tout le travail d’écriture du scénario... »


Hors compétition cette fois, dans la catégorie Horizons du festival du film de Karlovy Vary, la magnifique adaptation du conte de Gustave Flaubert, Un coeur simple. Marion Laine, la réalisatrice de ce beau film interprété par Sandrine Bonnaire et Marian Foïs :

« J’aime beaucoup Flaubert. Le cinéma, c’est vraiment une histoire de rencontres. Et là, c’est la rencontre d’une productrice, c’est des hasards. On parlait de nos héroïnes préférées, et il y avait Félicité. On est tombées d’accord. Il y a eu cette envie et cet engouement pour Un coeur simple. »

On sait que l’écriture de Flaubert était très précise, très ciselée, il retravaillait énormément ses textes, il y avait un gros travail d’écriture, il suffit de penser à son « gueuloir ». Je suppose que pour adapter Flaubert il faut avoir le même travail d’exigence. C’est comme ça que vous avez travaillé ?

''Un coeur simple'
« Je pense qu’on pourrait l’adapter de façon tout à fait différente. Ce qui est beau dans une adaptation c’est de ne pas avoir de règles et de contraintes. Ou alors de s’imposer ses propres contraintes. Mais pourquoi ne pas tourner Flaubert caméra à l’épaule ? Mais ce n’était pas mon voeu de départ. Je suis partie de l’idée du conte : beaucoup de gens disent que c’est l’adaptation d’un roman, mais c’est un conte. Pas un conte de fées. Je suis donc partie de cette idée de conte et de vous raconter une histoire. J’ai longtemps pensé à la voix off mais je ne voulais pas.

Mais je me me suis dit : ce sera comme un livre d’images qu’on tourne, d’où les fondus au noir. Il fallait qu’il y ait une lenteur comme quand on raconte une histoire à un enfant. Je voulais que sa vie soit comme dans des tableaux ou dans les livres d’enfant où on ressort une situation qu’on met en image. »

Sandrine Bonnaire, Félicité, vous l’avez envisagée dès l’écriture du scénario ?

« Oui, je l’ai écrit pour elle. J’avais déjà écrit un long métrage où je lui avais proposé un rôle qu’elle avait réfusé. Mais je me suis acharnée... je voulais un rôle pour elle, et pour Félicité elle m’a dit oui. »


Valse avec Bashir
Autre film présenté, les Tremblements loitains de Manuel Poutte, mais nous n’avons plus guère le temps de l’évoquer. Je préfère vous faire entendre un extrait de l’entretien accordé par Ari Folman, réalisateur du très beau documentaire animé, Valse avec Bashir :

« Je n’avais pas le choix. Ce film serait un film d’animation ou n’existerait pas. Si vous regardez tous les éléments du film : la mémoire, la perte de mémoire, la guerre, les hallucinations, la drogue, la rêverie, et que vous essayez de combiner dans une histoire, comment le faire ? Donc, pour moi, le dessin était évident dès le début. En plus, la guerre est un état d’esprit et des choses tellement surréaliste que je ne pense pas que des acteurs pourraient aussi émouvants et touchants que des dessins. »