Best of de la culture 2009 (I)

František Zvardoň, photo: www.zvardon.com
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Aujourd’hui, émission culturelle spéciale, à l’occasion des fêtes de fin d’année. Je vous propose de retrouver quelques extraits des meilleurs moments de nos émissions de cette année. Dans la première partie de ce best of, on parlera surtout photographie et voyage.

Le 16 janvier 2009, 40 ans se sont écoulés depuis l’immolation de l’étudiant Jan Palach, pour protester contre l’occupation soviétique. A cette occasion, la photographe tchèque Dana Kyndrová a monté une exposition qui présentait des photos jusqu’alors inédites. L’occasion de convoquer ses souvenirs :

« Pas précisément, je me souviens des événements qui se sont passés après. Le 16, non, mais après c’était l’émotion : tout le monde était dans les rues. »

Vous faisiez partie des manifestants ?

« J’avais 14 ans et je gardais le cercueil de Jan Palach au Carolinum. J’étais scout et on était très fiers d’être là... »

Parlez-moi de cette exposition. Cela vous tenait à coeur de réaliser une exposition exclusivement consacrée à Jan Palach, dans un cycle d’expositions sur des événements historiques comme 1968. Pourquoi une exposition à part sur Jan Palach ?

« Je collectionnais des photos pour l’exposition que j’ai montée l’année dernière à l’occasion du 40e anniversaire de l’occupation. Je voulais mettre dans ce projet des photos de Jan Palach, comme épilogue. J’avais beaucoup de photos et je me disais qu’il était dommage de tout faire en même temps. J’ai décidé de faire une exposition et un livre. »

Quelles sont les dates que vous avez retenues pour ces photos ? Il y a un sous-titre avec des dates précises, du 16 au 25 janvier...

« Le 16 c’était donc le jour de l’immolation de Jan Palach et le 25 était le jour des funérailles dans Prague. Il y a encore eu une grande manifestation le 20, une manifestation énorme qui avait commencé place Venceslas, se poursuivait à travers la Vieille-Ville et s’est terminée devant le bâtiment de la faculté des Lettres, le soir. C’était très impressionnant. »

Quel est le message du geste de Jan Palach aujourd’hui et quel est votre sentiment par rapport à ce geste ?

« C’est un peu difficile à expliquer. Le message pour moi, ce n’est pas qu’il faut pas s’immoler mais qu’il faut se battre contre la réalité, contre les moments quelquefois difficiles. Parfois les gens se disent : qu’est-ce qu’on peut faire de toutes les façons contre ceux qui sont au pouvoir ? Il faut faire quelque chose dans son domaine. Si vous avez la possibilité de faire quelque chose, même si ce n’est pas beaucoup, il faut le faire, contre les injustices. »

http://www.radio.cz/fr/article/112573


On reste ds le domaine de la photographie, avec une belle rencontre cettte année. Celle du photographe František Zvardoň. D’origine tchèque, il est installé en Alsace depuis les années 1980, mais c un véritable globe-trotter qui sillonne la planète avec son appareil photo. Il rappelle comment il est arrivé en France.

« J’ai vécu 35 ans en Moravie, où le paysage est valonné, avec des vignobles. Ca ressemble pas mal à l’Alsace. Mais il y a aussi la mentalité des gens : je retrouve des éléments de la vie qui se ressemblent. Pas tellement à Prague, mais en Moravie. Je suis arrivé en Alsace en 1985. J’ai trouvé cette terre absolument accueillante pour moi. Même si je travaille partout dans le monde, j’y reste et j’y resterai probablement toute ma vie. »

Vous parliez des paysages similaires de la Moravie et de l’Alsace. Vous avez énormément photographié les paysages d’Alsace. Ce sont de très beaux panoramas. Comment envisagez-vous la photographie de ces paysages-là en particulier ? Vous avez énormément voyagé dans le monde, photographié des paysages plus ‘exotiques’... Est-ce que vous regardez les paysages alsaciens avec le regard de quelqu’un qui vient de Moravie ?

« Je pense que ça a été un avantage de venir d’ailleurs. Tout d’abord par l’école de photographie de Brno, j’avais une formation classique. Quand je suis arrivé en 1985, je travaillais avec des grands formats alors que les photographes à Strasbourg travaillaient tous en 24x36. Moi mon premier appareil était un Linhof grand format, très statique. Les photos étaient très précises. Du coup je me suis distingué au niveau technique et au niveau du regard sur le paysage. Ensuite, comme je n’avais jamais vu l’Alsace, j’ai trouvé des endroits différents ou des angles différents, je n’étais pas influencé par les images de l’Alsace qui existaient déjà. Au départ, certains Alsaciens étaient choqués. Un petit exemple : jamais un photographe n’avait présenté auparavant l’Alsace sous la neige. Ca ne se faisait pas... »

Pourquoi ?

« Je ne sais pas. On présentait toujours l’Alsace avec les géraniums en fleurs aux fenêtres. Moi j’ai commencé ces grands panoramas enneigés, avec des maisons dans le creux des vignobles. C’était différent. D’autant qu’avec la technique que j’utilisais, beaucoup d’éditeurs et de galeristes se sont étonnés de découvrir une photographie à l’ancienne, de très bonne qualité, très piquée, très détaillée. Je me suis tout de suite distingué. Ensuite, je suis fasciné par ce paysage d’une richesse absolue. On n’a pas de mer. Mais on a des montagnes de 1 400 m qui sont très sauvages. »

A noter d’ailleurs que František Zvardoň vient de sortir un nouvel ouvrage intitulé Les Alsaciens, ou pour une fois, il a la manière des grands peintres de la Renaissance, il a réalisé une galerie de portraits d’Alsaciens en costumes traditionnels.

http://www.radio.cz/fr/article/119502


Autre globe-trotter tchèque mais caméra à l’épaule cette fois, le réalisateur de films documentaires Karel Prokop. Auteur de plusieurs films sur l’histoire tchécoslovaque récente pour la chaîne de télévision Arte, il est aussi celui qui a révélé au grand public l’explorateur Théodore Monod :

« C’était un hasard de la vie. Il se trouve que la femme que j’ai épousée, Anne Monod, était la cousine de Théodore Monod. J’ai donc découvert un personnage complètement incroyable comme on le connaît maintenant. Je pensais qu’il y avait déjà eu plein de films sur lui. J’étais sidéré d’apprendre que personne n’avait jamais tourné un bout de pellicule sur lui. A l’époque Théodore Monod avait le projet de partir dans le désert à la recherche de la fameuse météorite de Chinguetti qui l’obsédait depuis une trentaine d’années, qu’il avait cherchée dans ses jeunes années, qu’il voulait absolument retrouver, comme il disait, ‘avant de quitter ce monde’. Cette personnalité, plus l’histoire fabuleuse de la météorite disparue, entourée de légendes, plus ce vieux bonhomme qui doit partir tout seul avec cinq chameaux et trois bédouins dans le désert à l’époque où on ne se déplaçait plus dans le désert qu’en 4x4, ça m’a impressionné et je me suis dit qu’il fallait faire un film là-dessus. Petite anecdote qui paraît incroyable maintenant : je me suis fait jeter de toutes les chaînes de télévision. »

Ce qui est incroyable, car aujourd’hui Théodore Monod est très connu...

« Heureusement il y avait quelques personnes sensées et parmi elles, je cite Pierre-André Boutang qui était un producteur-réalisateur. Il dirigeait alors une magnifique série appelée Océaniques qui passait sur FR3. Il a saisi l’intérêt de cette opération, qui d’ailleurs était présentée à l’époque – et en toute bonne foi – comme la dernière expédition de Théodore Monod. Lui-même m’avait dit que c’était la dernière fois qu’il partirait dans le Sahara. Dieu sait qu’après ça lui a ouvert plein de possibilités, tout le monde a voulu faire des films sur lui et il a encore fait des expéditions pendant une dizaine d’années. Pierre-André Boutang a apprécié le résultat. C’était en 1987. Peu de temps après il m’a appelé et m’a dit : ‘FR3 veut faire quelque chose d’important sur l’histoire tchèque, ça va être les anniversaires de 1948, 1968. On est en 1988... J’ai pensé que tu serais bien placé.’ J’ai dit qu’il n’en était pas question, que ça ne m’intéressait plus. Il a insisté et finalement je n’ai pas pu refuser. La question que je me posais c’était comment faire pour ne pas faire simplement un film d’histoire comme on en voit tellement, où on colle dans un ordre plus ou moins chronologique des bouts d’actualité et un commentaire dessus. »

Entre temps Karel Prokop est reparti sur les routes à la recherche d’autres endroits de la planète à découvrir...

http://www.radio.cz/fr/article/118012


La semaine prochaine, retrouvez quelques autres extraits des rencontres de la culture cette année.