Hans Krasa

Hans Krasa
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Hans Krasa, compositeur de musique contemporaine, fait de même que par exemple Pavel Haas, Ervin Schulhoff, Gideon Klein, Karel Svenk, Gustav Schorsche, Kurt Gerron, partie des Auteurs de Terezin.

Il serait peut-être bien de faire une petite parenthèse à ce sujet. Terezin était un camp de concentration de transfert : pas trop atroce, pas trop de morts, comparés aux autres, c'était un camp « acceptable ». Pour les nazis, il présentait une excellente opportunité de propagande. Surtout depuis 1942 les nazis laissaient aux prisonniers relativement assez de liberté. Evidemment, Terezin était un ghetto duquel il était impossible de sortir, mais les détenus étaient autorisés à organiser des concerts, des pièces de théâtre ou réciter des poèmes d'auteurs du monde entier. Voilà la raison pour laquelle on appelle ces artistes Les Auteurs de Terezin. Terezin pouvait ainsi être présenté aux inspections de la Croix Rouge Internationale sans crainte de subir des sanctions pour traitements inhumains des détenus. Tout cela n'était qu'une illusion pour couvrir la sinistre vérité. Il est certain que la musique et l'art en général aidaient les détenus à résister à la torture physique, à la pression psychologique et à atténuer l'ambiance étouffante du camp.

Hans Krasa est né en 1899 à Prague. Son père, avocat, est tchèque. Par contre, la mère du futur compositeur est une juive allemande. On remarque bien que dès l'enfance, il existe chez lui un lien entre la culture tchèque et la culture germano-juive. Hans Krasa a 11 ans lorsqu'une de ses premières compositions est jouée par l'orchestre balnéaire de Salzbourg. Il passe son baccalauréat au lycée technique et continue ses études à l'Académie allemande de musique et des arts plastiques où il prend des cours de composition musicale chez Alexander Zemlinsky. Le jeune compositeur continuera ses études au Conservatoire de Berlin. Hans est d'abord passionné par les compositeurs Gustav Mahler, Arnold Schönberg et Vitezslav Novak. Mais au début des années vingt, il est beaucoup plus attiré par Igor Stravinski et les compositeurs impressionnistes français. D'ailleurs, il partira à Paris pour mieux connaître le milieu artistique tant admiré et aussi pour étudier la composition chez Albert Roussel. Dans la capitale française, Hans Krasa présentera au Festival de musique contemporaine, la Symphonie pour petit orchestre, une composition qui aura également du succès à Zürich et à Prague. Une première de son Quatuor à cordes aura lieu à La revue musicale, évidemment à Paris. Au retour à Prague, Hans Krasa est engagé au Nouveau Théâtre Allemand comme accompagnateur.

Dans les années trente, c'est un artiste accompli. Suit une période très créative : il compose la musique pour la Jeunesse est un jeu (Mladi ve hre) pièce de théâtre d'avant-garde d'Adolf Hoffmeister, la cantate la Terre est au Seigneur (Zeme je Pane), la Musique de chambre pour clavecin et sept instruments dont la première a lieu avec succès au concert du groupe Manes et l'opéra Fiançailles dans un rêve (Zasnuby ve snu), inspirée par la nouvelle de F. M. Dostojevskij Le rêve de l'oncle. L'opéra est primé par le Prix national de la Tchécoslovaquie l'année de sa première. Les auteurs du libretto sont deux journalistes de Prager Tablatt. Rudolf Thomas et Rudolf Fuchs. Les fiançailles dans un rêve de Hans Krasa repasseront sur la scène de l'Opéra nationale de Prague en avril 1994, en coopération avec le théâtre national de Mannheim.

Hans Krasa compose son célèbre le Ronchon (Brundibar), un opéra pour voix d'enfants sur un texte de A. Hoffmeister, qui deviendra son oeuvre la plus célèbre. Il l'envoie même au concours pour opéra. Mais là déjà, l'ombre menaçante de l'idéologie fasciste et antisémite couvre l'Europe. Ses conséquences néfastes atteignent également le compositeur juif. Le Ronchon est exclu du concours. Hans Krasa ne se laisse pas décourager et se met à répéter l'opéra avec les enfants de l'orphelinat juif. Les répétitions seront interrompues par la déportation de Hans Krasa au camp de concentration de Terezin, en août 1942. Peu après, suit la déportation des enfants de l'orphelinat juif au même camp. Le compositeur écrit alors une toute nouvelle partition de l'opéra le Ronchon (Brundibar).

C'est une histoire d'enfants qui trouvent avec l'aide des animaux un peu d'argent pour acheter du lait pour leur mère malade. Le méchant joueur d'orgue de Barbarie, le Ronchon, donc Brundibar en tchèque, vole les maigres économies des enfants qui se mettent à poursuivre le méchant homme : symbole poignant de l'oppression nazie. L'opéra a eu droit à plus de cinquante reprises à Terezin. Avant sa mort tragique Hans Krasa a encore réussi à composer au camp de concentration Trois chansons pour soprano, clarinette, viole et violoncelle sur les poèmes d'A. Rimbaud, Trio à cordes, la Passacaglia et Fugue. Le 16 octobre 1944, il est déporté à Auschwitz.

L'éditrice et théoricienne de la musique et co-fondatrice du Fonds de donation Terezin de Hans Krasa, madame Blanka Cervinkova, publie dans sa maison d'édition de musique Tempo Praha plus de 200 oeuvres de Hans Krasa, Pavel Haas, Bohuslav Martinu et autres. Grâce à elle, l'opéra le Ronchon (Brundibar) fait partie des opéras pour enfants les plus joués dans le monde entier.