Hana Maciuchová : « Un bon rôle est comme un boomerang, il vous renvoie ce qu’il a de plus précieux »

Hana Maciuchová

Elle a été Roxane dans « Cyrano de Bergerac », Lizzie dans « Le Faiseur de pluie », Toinette dans « Le Malade imaginaire », Martha dans « Qui a peur de Virginia Woolf ». Actrice parmi les plus connues et les plus aimées du public tchèque, Hana Maciuchová joue actuellement, au Rock Café à Prague, dans la pièce française « La Femme coquelicot » adaptée du roman éponyme de Noëlle Châtelet. Elle est l’invitée de ce magazine…

C’est grâce à ce rôle d’une jeune fille prénommée Anče, pétillante, bavarde et combative, que Hana Maciuchová est restée gravé dans la mémoire des enfants tchécoslovaques… et de leurs parents. Cette télésérie pour enfants, qui s’intitulait « Krkonošské pohádky » (Les contes des Monts des Géants), a été tournée en 1974 et maintes fois rediffusée depuis.

En 1974, Hana Maciuchová a 29 ans. Diplômée de la DAMU, l’école de théâtre de Prague, elle joue déjà au théâtre Divadlo na Vinohradech, une des scènes les plus prestigieuses de la capitale. Elle tourne aussi beaucoup pour la télévision et sa carrière prend alors son envol... Mais revenons à ses débuts artistiques à Olomouc, en Moravie du Nord, sa ville d’origine à laquelle elle est attachée toute sa vie.

Hana Maciuchová

« Mes parents faisaient du théâtre en tant qu’amateurs, c’était leur passion. Mon père était agent technique et enseignait parallèlement des langues étrangères. Ma mère a d’abord été employée des chemins de fer avant, plus tard, de devenir bibliothécaire. Ils m’ont transmis leur amour pour le théâtre, sans pour autant me forcer. Un jour, lorsque j’avais 14 ans, mon père m’a tout simplement demandé si je voulais jouer la demoiselle d’honneur dans la pièce ‘Lucerna’ d’Alois Jirásek. Depuis, le théâtre est devenu mon hobby. Mais je n’étais pas ce genre de fille qui dit à six ans : ‘je veux être actrice’. Pas du tout. J’étais plutôt tentée par des études d’anglais ou de médecine. »

Le destin a voulu que la jeune Hana réussisse le concours d’entrée à la DAMU organisé (à l’époque comme aujourd’hui) deux mois environ avant les concours dans les autres écoles supérieures du pays. Mais les débuts de la future star à l’école de théâtre renommée et redoutée de Prague n’ont pas été idyliques... Hana Maciuchová s’en est souvenue dans une interview :

Hana Maciuchová

« Je ne voulais pas décevoir mes parents, sinon je serais tout de suite retournée à Olomouc. (...) Nous étions 21 dans ma promotion, mais nous savions qu’à la fin de la première année, neuf d’entre nous allaient devoir partir. J’étais stressée en permanence. »

Entre 1965 et 1970, Hana Maciuchova joue au théâtre Divadlo Za branou, conçu et dirigé par le célèbre metteur en scène Otomar Krejča. En 1971, la comédienne est engagée au théâtre Divadlo na Vinohradech déjà cité, un théâtre de répertoire classique et contemporain dont la conception et le style lui conviennent mieux et auquel elle est restée fidèle jusqu’à aujourd’hui. Ce n’est que dans les années 1980 que ce théâtre renommé s’aventure dans la mise en scène de pièces d’auteurs auparavant interdits par la censure communiste, tels que Topol, Aïtmatov ou Boulgakov. Dans les années 1970, en pleine « normalisation », ce n’est évidemment pas encore le cas... Hana Maciuchova, n’a, pour sa part, jamais adhéré au Parti communiste, tout en étant une des actrices les plus en vue sous l’ancien régime. Une position contradictoire, un état d’esprit propre, finalement, à beaucoup de citoyens de la Tchécoslovaquie communiste... Hana Maciuchová :

Hana Maciuchová

« Au théâtre, nous devions, certes, nous conformer au régime, mais, d’un autre côté, nous étions libres. Nous devions aussi nous occuper de nos âmes pour qu’elles ne s’altèrent pas, pour que nous ne renoncions pas à la vie. Vous savez, renoncer à la vie est tellement facile ! Vivre sous un régime aussi compliqué tout en cherchant, chacun pour soi, des possibilités de se réaliser est à mon avis beaucoup plus intéressant que de vivre dans une société libre, mais en n’ayant pas de telles possibilités. Ou en n’ayant envie de les chercher ! »

Hana Maciuchová

« Je pense qu’une liberté sans limites est un fardeau pour ceux qui ne savent pas s’y retrouver… Pour ceux qui ne savent pas s’orienter dans leur pensée. Car chacun de nous doit d’abord définir sa liberté personnelle à partir de son âme, de ses besoins, de son caractère, de son éducation et de ses rêves. Ce n’est qu’après qu’il peut s’interroger sur ce qu’il voudrait faire dans la vie, sur ce qu’il pourrait faire pour les autres, sur la manière dont il pourrait faire valoir ses capacités. »

La filmographie de Hana Maciuchová compte une centaine de rôles dans de multiples téléfilms et séries télévisées. Parmi eux, deux personnages qui l’ont particulièrement révélée au grand public : Anče dans « Krkonošské pohádky » et Milada Blažejová – une épouse trahie que Hana Maciuchová a incarnée dans une série tchécoslovaque culte de la fin des années 1970, située dans le milieu médical et intitulée « Nemocnice na kraji mesta » (titre que l’on pourrait traduire en français comme « L’Hôpital de banlieue »). Deux nouvelles suites de cette série ont été tournées après la révolution de Velours, en 2003 et en 2008.

'Nemocnice na kraji mesta'

« Le fait qu’il y ait deux suites de cette série, c’est un plaisir pour nous tous qui y avons joué. Cela démontre aussi qu’une relation s’établit entre les spectateurs et les personnages, même avec ceux qui ont un caractère problématique, comme Blazejova, cette femme jalouse. Mais je dois dire que pour moi, ça n’a jamais été un personnage négatif, je l’ai toujours défendue. »

Avec le professionnalisme et l’enthousiasme qui lui sont propres, Hana Maciuchova se lance, en 2005, dans le tournage d’une série télévisée « sans fin » intitulée « Ulice » (La Rue) et diffusée chaque jour sur la chaîne privée Nova. Pendant cinq ans, elle y a incarné l’institutrice Miriam Hejlova. Une expérience qu’elle ne regrette pas, bien au contraire :

'Ulice'

« Au début, j’avais un peu peur, je ne savais pas comment le personnage allait évoluer. Bien sûr, j’avais un synopsis, je savais que j’allais jouer une femme qui vit seule, avec son fils, je connaissais ses traits de caractère. Mais après, toutes les péripéties que cette femme a vécues, ses relations avec ses amis, son fils... C’est devenu très intéressant ! J’ai même pu légèrement participer à l’écriture du scénario, y apporter ma touche personnelle... C’était un travail formidable. »

Hana Maciuchová joue actuellement, au Rock Café à Prague, dans le spectacle conçu pour une seule comédienne « La Femme coquelicot ». Cette adaptation théâtrale du roman éponyme de Noëlle Châtelet raconte l’histoire d’un amour tardif...

« L’héroïne de cette pièce, Marthe, dit à peu près cela : ‘mon vieux corps qui me limite (parce que chaque maladie, chaque difficulté physique vous limite), qu’a-t-il de commun avec la légèreté de mon âme ?’ Evidemment, quand vous rencontrez quelqu’un qui vous inspire, qui éveille vos sens et vos émotions, c’est, à un certain âge, une joie sans égal. »

Hana Maciuchová

Il y a eu, dans la vie de Hana Maciuchová, une longue et forte relation amoureuse qui a fondamentalement influencé sa vie de femme et d’artiste. Pendant vingt ans, elle a été la compagne de Jiří Adamíra, lui aussi excellent comédien et homme de caractère, décédé en 1993. Dotés, tous les deux, d’un charisme et de voix exceptionnelles, ils ont organisé ensemble des soirées de poésie et ont beaucoup travaillé pour la radio. Hana Maciuchová n’a pas d’enfants. A 65 ans, elle reste toujours étonnamment belle et rayonnante, avec ses cheveux bruns et ses yeux bleus clairs. En me parlant de « La Femme coquelicot », elle a formulé ce message qui pourrait, je pense, être son credo :

« Dans la vie, il ne faudrait jamais se résigner. Même si nous sommes confrontés à des situations parfois très difficiles, nous devrions les surmonter. C’est notre tâche, c’est pour cela que nous sommes nés, je crois.