Le premier Français à avoir réalisé les « Seven summits » au sommet de la Snezka

Jean-Pierre Frachon, photo: www.europe27.eu

Jean-Pierre Frachon est le premier Français à avoir gravi, en 1991, les points culminants des sept continents de la planète. Mais résumer le parcours de Jean-Pierre Frachon à ce seul exploit serait trop réducteur. Car l'alpiniste originaire d'Auvergne est aussi guide de haute montagne et grand voyageur, une profession et une passion qui lui permettent de découvrir les cimes de la Terre mais aussi les peuples qui vivent à leur pied. Voilà sans doute pourquoi il s'est lancé dans « L'Europe des 27 par ses sommets », un projet dont l'objectif est de faire l'ascension du plus haut sommet de chacun des vingt-sept pays de l'Union européenne tout en réalisant parallèlement une étude sur l'agrotourisme dans les régions visitées. La première expédition a donc mené Jean-Pierre Frachon, accompagné de neuf autres personnes originaires du Massif Central, en Pologne, en Slovaquie et en République tchèque, où l'équipe a gravi les 1602 mètres de la Snezka, dans les Krkonose ou Monts des Géants, en Bohême de l'Est. Nous l'avons rencontré la semaine dernière à Prague. Et nous avons d'abord demandé à Jean-Pierre Frachon quelles impressions lui avaient laissées Snezka et les Monts des Géants :

« J'y ai un peu retrouvé ma région, puisque je suis certes guide de haute montagne mais installé dans une région de moyenne montagne, en Auvergne, au coeur du Massif Central. J'ai trouvé une certaine ressemblance, à la fois parce qu'il y a des grands espaces, c'est vraiment un point culminant, c'est une région qui est très touristique, et j'ai compris que ce sommet était presque sacré pour les Tchèques. Ils sont parfois plusieurs milliers chaque jour à en atteindre le sommet. Donc le plus haut sommet tchèque a été réussi sans difficultés. »

-En revanche, vous veniez de la Slovaquie, où les Hautes Tatras sont un peu plus ardues.

Les Hautes Tatras
« Oui, bien sûr vous avez compris que dans ce tour européen il y a des sommets qui sont des « montagnes à vaches » et d'autres qui sont beaucoup plus alpins et plus hauts. En ce qui concerne les Carpates, j'ai retrouvé un vrai massif avec notamment pour le Gerlach, le point culminant de la Slovaquie, un sommet de caractère où il faut s'encorder, où il y a des dangers objectifs, où la météo est importante, il y a encore de la neige... Bref, c'était un vrai sommet d'alpinistes. »

-Les montagnes tchèques et slovaques constituaient-elles pour vous une découverte, une première ?

« Absolument. Depuis longtemps, j'ai entendu parler de l'alpinisme slovaque et polonais, puisque dans l'histoire de l'alpinisme, les Polonais en particulier ont marqué toute une décennie avec des grands noms qui ont réalisé des choses tout à fait exceptionnelles dans l'Himalaya en particulier. Je connaissais donc l'histoire des Carpates et j'ai été très heureux d'avoir des contacts directs avec certains d'entre eux. »

-Vous savez peut-être que le maire de Prague, Pavel Bém, est parvenu récemment au sommet de l'Everest. Qu'est-ce que cela vous inspire ? Un débat a été ouvert en République tchèque sur le fait que l'ascension de l'Everest dans les conditions où elle est parfois réalisée aujourd'hui devient presque une promenade de santé. Qu'en est-il vraiment et que pensez-vous de cette évolution ?

Mont Everest
« Alors, tout d'abord, je tire un grand coup de chapeau au maire de Prague. Pour moi, l'ascension du Mont Everest reste une performance qu'il faut saluer très bas. Maintenant, il est vrai que l'Everest est un petit peu devenu une course à la performance, à l'exploit qui, parfois, est réalisée quels qu'en soient les moyens. C'est-à-dire en prenant des sherpas très forts qui vous traînent au bout de leurs cordes pour aller jusqu'au sommet. J'espère que ce n'est pas le cas du maire de Prague. Mais il est normal que la plus haute montagne de la Terre attire du monde. Il faut souhaiter que ça reste une montagne respectée pour ses croyances et tout ce qui l'environne et aussi que l'environnement soit préservé. Mais une nouvelle fois, c'est un challenge qui n'est pas facile : sur cent personnes qui tentent l'Everest, il y en trois, quatre ou cinq qui réussissent le sommet. C'est vous dire que l'enjeu est quand même de taille. »

-On n'a pas tous les jours l'occasion de s'entretenir avec des personnes comme vous qui se trouvent si souvent à une si haute altitude. Lorsque l'on se trouve sur les pentes, sur les sommets dans l'Himalaya, dans la Cordillère des Andes, que ressent-on ? Est-ce que quelque chose que l'on peut expliquer à ceux qui sont restés « à terre » ?

« Non, je crois que les mots ne suffisent pas pour transcrire ce qui est en fait quelque chose d'indicible. C'est quelque chose qu'on ressent au fond de soi-même, qui est une quête où on peut mettre beaucoup de choses. Pour certains c'est un besoin d'adrénaline, pour d'autres c'est un besoin mystique... Les sommets ont toujours attiré, on les a toujours gravis, et ça fait partie de la nature de l'homme. En tout cas, la très haute montagne est d'une beauté à couper le souffle, et ne serait-ce que ça, ça suffit pour que j'y retourne. »

-Justement, quels sont vos prochains projets ? Y a-t-il encore des montagnes, des coins du monde qui vous attirent et vous font rêver ?

« La Terre est extrêmement vaste au rythme de la marche à pied, et à commencer lorsqu'il y a du relief. C'est vrai que j'ai gravi beaucoup de sommets et parcouru beaucoup de pays. Ce n'est peut-être pas une goutte d'eau, mais ce qui est certain, c'est qu'il reste des choses très importantes à faire, il y a encore des sommets qui n'ont jamais été gravis. Non, une vie d'homme ne suffit pas, il en faudrait des dizaines. »

-Au-delà de ces 27 sommets européennes, avez-vous un rêve en particulier ? Pourriez-vous nous parler d'un projet qui vous fait avancer dans votre vie d'alpiniste ?

« Ce projet européen me plaît beaucoup, car il va me permettre de connaître un peu mieux le relief européen. Je suis un farouche partisan de cette construction de l'Europe. En ce qui me concerne, oui, il y a toujours dans la vie d'un alpiniste des projets que l'on bâtit des années à l'avance. Pour ma part, je souhaite retourner en Afghanistan parce que j'ai rencontré des peuples extraordinaires qui vivent dans ces montagnes. Je voudrais aussi gravir le plus haut sommet de la Colombie où vivent les Indiens Kogis, mais vous savez que les montagnes de Colombie sont difficiles d'accès pour des raisons de narcotrafic, d'enlèvements, etc. J'apprécie toutes les montagnes, des montagnes plurielles, et pas forcément des montagnes difficiles qui sont austères, car il faut savoir se ressourcer quand on redescend. »