Irène Bizot, représentante officieuse de l'art tchèque en France

Irène Bizot, photo: CTK

Retour dans cette émission sur les prix Gratias Agit, remis la semaine dernière à 17 personnalités et associations qui ont contribué à donner une bomme image de la République tchèque à l'étranger. Parmi les lauréats cette année, il y avait également une Française, Irène Bizot, chargée en 1967 des expositions à la Réunion des Musées nationaux, puis présidente entre 1986 et 1998 de l'Association Inter Musées et Monuments :

Irène Bizot,  photo: CTK
Vous avez été présentée ici comme une représentante officieuse de la Tchécoslovaquie en France. A quand remontent vos liens avec le pays ?

« Ils remontent assez curieusement à 1968, quand la Tchécoslovaquie a participé à une exposition sur l'Europe gothique au Louvre. Exposition qui a été un peu secouée par les événements de mai 1968 en France, fermée quelque temps puis réouverte. C'était la première fois que la Tchécoslovaquie prêtait une exposition du Conseil de l'Europe. Cette exposition durait de mars à août, et je suis allée à Prague du 11 au 18 août 1968... »

Trois jours après, les chars soviétiques arrivaient dans Prague...

1968
« Voilà, j'ai donc connu - très brièvement - l'ère Dubcek, ai rencontré énormément de collègues tous très hospitaliers, parce qu'on avait déjà eu ces problèmes en mai quand ils avaient eu peur pour leurs oeuvres. J'ai passé huit jours divins à visiter les musées avec tous mes collègues. Et puis je suis rentrée à Paris, et j'ai appris à la radio ce qui s'était passé... Cela m'a collé un espèce de traumatisme... et depuis je suis devenu un agent officieux des Tchèques à Paris. »

Comment cela s'est concrétisé ?

« Nous avons essayé autant que faire se pouvait de continuer à collaborer entre la Narodni Galerie et la Réunion des Musées Nationaux, où je m'occupais à l'époque des expositions. Nous avons réussi à maintenir énormément de contacts, ce qui a permis d'avoir des collègues qui venaient en France pour organiser des expositions. On a organisé une exposition Mucha, on a fait des expositions d'art gothique à Prague, la Galerie prêtait énormément à nos expositions : on a eu des Derain, des Gauguin, des Picasso, etc. On a maintenu des contacts réguliers, je venais une fois par an. »

Malgré la normalisation du régime ?

« Oui, moi je pouvais venir, et les échanges ont parfaitement fonctionné pendant toute cette période avec beaucoup d'énergie. Je me suis fait beaucoup d'amis ici, qui sont venus s'installer en France, comme Jiri Kolar. C'est pas très pompeux mon histoire, plutôt très amical. »

Cette relation a perduré après la chute du régime communiste ?

« Absolument, la Réunion des Musées Nationaux avait des rapports joints avec l'Association Française d'Action Artistique, nous avons eu des tas d'occasions de joindre nos forces pour faire des choses, à Prague ou à Paris. »

Chronique de Dalimil
Plus récemment, il paraît que vous avez joué un rôle dans l'acquisition par l'Etat tchèque de la Chronique de Dalimil dans une vente aux enchères à Paris ?

« J'ai joué un petit rôle... Par hasard, le grand spécialiste des manuscrits de la BNF, François Avril, a vu que ce manuscrit se vendait à Drouot et il a pu l'identifier. C'était la première chronique des rois de Bohême : une chose absolument étonnante, épatante, merveilleuse. J'ai été, c'est vrai... disons que j'ai donné pas mal de coups de fil. Mais la personne fondamentale dans cette affaire reste François Avril, qui a retrouvé ces 16 pages dans une collection privée française totalement inconnue. C'était absloument fabuleux de voir ces pages achetées par le gouvernement tchèque, c'était une grande émotion pour nous. »

Vous avez déjà la légion d'honneur accrochée à votre veste. Depuis aujourd'hui vous avez également ce Gratias Agit tchèque, quelle a été votre réaction quand vous avez appris qu'il allait vous être décerné ?

« Ma réaction a été très simple : premièrement je ne le mérite pas, et deuxièmement les Tchèques ont fait beaucoup plus pour moi que je n'avais fait pour eux. »

Qu'ont-ils fait pour vous ?

« Maintenant c'est ma famille, c'est une autre famille. Ils m'ont apportée des amitiés formidables. Tout ce qu'on a fait on l'a fait avec joie et par amour. On était tous très heureux de ce qui se passait et c'était normal de le faire. Et puis ce prix m'est tombé sur la tête comme ça il y a deux mois... et j'étais un peu étonnée. »