Emil Filla, peintre qui a imposé le cubisme dans les arts tchèques

L'exposition d'Emil Filla, photo: CTK

La grande rétrospective du peintre et sculpteur Emil Filla qui vient d'être inaugurée dans le manège du Château de Prague, réunit deux centaines de toiles de cet artiste qui a joué un rôle crucial dans l'évolution des arts plastiques tchèques de la première moitié du XXe siècle.

Rétrospective Emil Filla,  photo: CTK
C'est probablement l'exposition pragoise d'Edvard Munch en 1905 qui a ouvert les yeux à Emil Filla, à cette époque-là étudiant de l'Académie des Beaux-Arts à Prague, et l'a propulsé vers l'art moderne. Il est l'un des premiers artistes tchèques à comprendre l'importance fondamentale de l'oeuvre d'Honoré Daumier et de celle de Pablo Picasso et ne tarde pas à en tirer les conséquences. Il adopte le concept du cubisme et le développera à sa façon pendant quatre décennies. Il donne une multitude d'oeuvres qui formeront le noyau de la collection d'art moderne de la Galerie nationale de Prague. Malgré sa position incontestable dans les arts plastiques tchèques, Emil Filla ne verra jamais sa rétrospective qui ne sera organisée que 54 ans après sa mort. Le commissaire de l'exposition Tomas Vlcek cherche une explication :

« Toute une série de mythes ont vu le jour selon lesquels que Filla aurait été un épigone de Picasso, ce qui n'est pas du tout vrai. Cependant, cela empêchait le grand public dans une certaine mesure d'accepter l'art d'Emil Filla. Depuis ce temps-là notre attitude vis-à-vis du cubisme a beaucoup évolué. »

Dans les années 1920 et 1930 Emil Filla devient la figure de proue des arts plastiques tchèques. Il poursuit l'expérience cubiste et ses oeuvres, tableaux et statues, atteignent une rare expressivité. Bien qu'il n'entretienne pas de contacts avec Picasso, il est évident qu'il développe d'une façon créatrice l'oeuvre de l'auteur de Guernica. Tomas Vlcek insiste sur cette contribution créatrice que Filla a apportée au cubisme de Picasso :

« Emil Filla a prouvé dans le milieu tchèque que le cubisme était un véritable tournant. Evidemment, c'était le cubisme de Picasso. Evidemment, Filla est un continuateur de l'oeuvre de Picasso, un artiste qui développait les possibilités du cubisme à l'instar, par exemple, de Georges Braques. Mais il abordait le cubisme avec beaucoup plus d'invention. Tandis que Braques se limitait à une attitude adoptant la méthode de la belle peinture, Filla entrait littéralement en lutte avec cette problématique. Peintre profondément instinctif, il était capable, grâce à son bagage théorique et à sa culture, de se corriger, de suivre de grands objectifs. Il menait un dialogue avec le fond même de la problématique cubiste, le rapport entre la surface et l'espace, un dialogue qui visait à la révision et la réouverture de la problématique de l'art moderne d'une façon beaucoup plus large que celle dont ses contemporains étaient capables. »

La rétrospective dans le manège du Château de Prague réunit près du tiers de l'oeuvre peinte d'Emil Filla. Elle sera ouverte jusqu au 31 octobre et sera ensuite transférée à Olomouc en Moravie.