Castration chirurgicale des délinquants sexuels : Prague rappelée à l’ordre

Jeudi, le Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe a appelé la République tchèque à mettre un terme à la castration chirurgicale pratiquée sur les délinquants sexuels condamnés.

Aleš Butala
En mars-avril 2008, une mission mandatée par le Comité pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe a visité deux hôpitaux psychiatriques et deux prisons tchèques. Aujourd’hui, dans le rapport qui en a découlé, Prague est rappelée à l’ordre, comme l’explique Aleš Butala, chef de la mission du CPT :

« La castration chirurgicale est une intervention mutilante et irréversible. Elle ne peut pas être considérée comme une nécessité médicale pour le traitement des délinquants sexuels. Cette intervention ôte toute capacité de procréation et a d’importantes conséquences physiques et mentales. »

La République tchèque, de son côté, refuse la critique. Les sexologues tchèques, eux, ne veulent pas renoncer à cette méthode qui leur sert à traiter des délinquants ou déviants sexuels. D’après eux, il s’agirait en outre de cas isolés. Martin Hollý, directeur de l’hôpital psychiatrique de Bohnice, à Prague :

« C’est bien d’avoir cette possibilité et de pouvoir la proposer aux patients. Certains nous disent même des années plus tard, qu’ils prendraient la même décision si c’était à refaire. »

En effet, les autorités tchèques se défendent en rappelant que les patients donnent leur autorisation, mais pour le CPT, difficile d’imaginer une décision prise en toute liberté dans l’univers carcéral. Aleš Butala :

« Certains des patients que nous avons rencontrés nous ont indiqué que leur décision d’avoir recours à une castration chirurgicale était au moins partiellement animée par la peur d’une longue détention. Même s’ils avaient donné leur accord écrit, ces patients estimaient que refuser la castration serait synonyme d’une détention à vie. »

Aleš Butala évoque également le cas de cinq personnes placées sous tutelle en raison d’un handicap mental : des situations où la décision n’a donc pas été prise par le patient, mais par son responsable légal.

Il y a une trentaine d’années, la castration chirurgicale était encore considérée dans la plupart des pays d’Europe comme une solution pour empêcher la récidive des délinquants sexuels. Elle a été abandonnée dans tous les pays, pour des raisons éthiques, mais aussi en raison des doutes sur la réelle efficacité de ce procédé. Pour Aleš Butala, d’autres solutions devraient être envisagées, comme la castration chimique, ou d’autres traitements pharmacologiques, tout cela devant être accompagné d’une thérapie approfondie.

Michael Kocáb,  photo: CTK
La République tchèque, par la voix de son ministre en charge des droits de l’homme et des minorités, Michael Kocáb, a estimé que le rapport du CPT n’était qu’une recommandation, mais il s’est dit prêt à envisager la version chimique de la castration :

« Si l’on démontre que l’efficacité de cette méthode est comparable, nous déciderons d’avoir recours à cette solution plus modérée et moins mutilante. »

D’après des données gouvernementales, depuis l’an 2000, 300 patients tchèques auraient subi une castration chimique et une cinquantaine, une castration chirurgicale.

Ce n’est pas la première fois que la République tchèque est sujette à des critiques en lien avec ses méthodes de traitement médicaux : il y a quelques années, l’affaire des « lits-cages » utilisés dans certains hôpitaux psychiatriques avait causé l’émoi suite à un rapport d’Amnesty International.